De Moulin Mer à Terenez : belles lumières sur la rivière

De Moulin Mer à Terenez : belles lumières sur la rivière

Lundi 25 octobre 2021

Les photos non signées Pascal J - Yanike Kayak sont de Jean Drouglazet.

C'est un endroit que j'adore, et cela faisait un moment que je n'y étais pas venu.
De plus, en lançant les invitations, je réalisais que c'est un terrain de jeu facilement accessible aux débutants : la terre n'est jamais loin et on a toujours des endroits protégés du vent.
La météo annonce un vent ouest-sud-ouest force 2 à 3, des éclaircies et une petite averse en milieu de journée.
La mer est haute à 8h02 coef 67, et basse à 14h34.
J'ai donc proposé une randonnée en kayak sur l'Aulne maritime, en partant de Moulin Mer.
Lionel, Charles, Paul, Joël, Jean et Jeff (auteur de l'excellent blog randokayak.com) ont répondu à mon invitation. Nous nous retrouvons à 9h30 sur la cale du port de Moulin Mer.

Moulin Mer, sur la commune de Logonna Daoulas, est un endroit charmant.
Une grande anse, donnant sur la rivière de Camfrout, a été transformée en étang. Un moulin à marée a été édifié en 1520.
Des écluses permettaient l'introduction de la mer dans l'étang à marée montante. A marée descendante, inversement, l'étang en se vidant de son eau actionnait les meules du moulin.
En 1808, le moulin est l'une des plus importantes minoteries de la région.
Un petit chantier naval et une criée riche en coquilles Saint-Jacques mises en conserves à Daoulas complètent cette activité économique.
En 1939, l'Etat transforme l'édifice pour y accueillir des réfugiés, mais la même année, il tombe aux mains des soldats allemands. Il est transformé en hôpital pour les officiers.
Après-guerre, c'est un centre d'instruction militaire qui accueille les élèves officiers français avant la création de la célèbre école navale de Lanvéoc.
En 1965, le moulin devient lieu de détente, café dancing puis restaurant et discothèque en 1977.
Revendu en 2002 à une société immobilière, il a été à l'abandon.
Un couple a le projet d'en faire un lieu d'échanges et de partages, l’écrin d’ateliers, d’espaces de répétitions, mais aussi une galerie d’exposition, un lieu de concert, une bibliothèque, un ciné-club…

Nous partons à 10h00, et traversons le Camfrout vers la pointe d'Hanvec.
Le soleil et les nuages jouent à cache-cache, la lumière est superbe.

Nous traversons vers la rive gauche, afin de rejoindre Port Maria.

Sur l'autre rive, nous sommes abrités du vent; nous passons dans un autre univers ... magique !

Nous voici devant Port Maria

L'activité de la cale était dense avant la construction du pont de Terenez.

Devant nous, l'église Notre Dame de Landevennec et son cimetière marin, face à l'Aulne.

Nous repérons l'oeil de Pierre Chanteau.
Un œil pour conjurer le mauvais sort. Dans l’antiquité, les marins peignaient de grands yeux à la proue de leur navire pour se protéger des risques de naufrage. Un rituel qui a inspiré ce plasticien breton. Pendant un an, il a incrusté sur les digues, les cales ou encore les jetées de 116 communes des yeux conçus avec des matériaux de récupération.

L'atmosphère est paisible et sereine, quel plaisir d'être sur l'eau...
Le ballet des nuages et du soleil nous offre un merveilleux spectacle.

Nous quittons Port Maria et contournons le sillon du Pâl.
Ici se joue une "lutte" entre l'Aulne et les courants marins, qui, dans un mouvement circulaire, dépose des galets à la flèche ou sillon du Pâl.
Cette avancée courbe, en fonction des marées, apparaît ou disparaît.
Sur la rive Sud s'étend une vasière à proximité des terres de l'ancienne abbaye.
De très nombreuses espèces d'oiseaux se regroupent sur le sillon à marée haute en attendant l'heure de la pêche.
L'heure de la pêche ne sonne pas selon le carillon de l'abbaye mais quand le mélange d'eau de mer et d'eau douce découvre cette prolifique vasière. Les oiseaux qui pêchent "à pied", les fouilleurs de vase, se dépêchent d'aller au supermarché à ciel ouvert. Produits frais à tous les rayons.
Le liste des oiseaux est longue et variable selon la saison, les migrations, les heures du jour...
Cette zone exceptionnelle est un espace Natura 2000 accueillant une soixantaine d'espèces d'oiseaux.

Cette vasière classée est une ancienne zone de pêche appartenant à l'abbaye et était constituée de pieux plantés en cercle dans la vase, des pâls qui permettaient la capture de différentes espèces de poissons dont des saumons.
Le nom est resté.

Nous passons la pointe de Pen Forn, laissant l'abbaye Saint Guénolé cachée derrière les arbres.
Nous arrivons devant un étrange cimetière, unique ...
Dans ce paysage féerique flottent de vieux rafiots de la Marine nationale.
Ce paysage ressemble à un décor de cinéma.
Ces vieilles coques ne sont pas abandonnées : des militaires vérifient régulièrement que les bateaux flottent correctement et ne prennent pas l'eau. Pas question que ces navires fantômes coulent : ils sont en transit pour une dizaine d'années, en attente de gagner leur ultime escale : un chantier naval de déconstruction.

Avant d'être un havre de paix pour les vieux jours de ces bateaux, ce site fut une station navale de 1870 à 1935, pour abriter les navires en réserve avant les départs en mission.
Un seul navire, l'Armorique, repose au fond de cette anse, il fut sabordé par l'occupant en 1944.

Nous poursuivons notre remontée de la rivière, et apercevons au loin le pont de Térénez.

Nous voici au pied de ce magnifique ouvrage, dont la mise en circulation fut réalisée le 17 avril 2011.
Conçu par l’ingénieur Michel Virlogeux (concepteur du viaduc de Millau et du pont de Normandie, entre autres) et le cabinet d’architecture Lavigne – Cheron, il est le premier pont courbe à haubans de France, détenteur du record mondial de portée entre deux piliers (285 mètres).
Il est constitué de 515 mètres de tabliers soutenus par 144 haubans.

Nous faisons un bac pour passer sur l'autre rive.
L'averse annoncée arrive, mais ne dure que quelques minutes.
Elle nous permet d'admirer un superbe arc-en-ciel.

Nous débarquons et admirons ces courbes magnifiques.

Pour le pique-nique, nous trouvons un abri sous les piles de l'ancien pont, transformées en belvédère.

Nous ré-embarquons vers 13h30 et descendons l'Aulne, vent de face.

Sur la rive gauche, un élevage de truites ...

... puis, dans un bel environnement boisé, l'ancien moulin à marée du Folgoat.
L´origine du moulin remonte au 15e ou au début du 16e siècle. Propriété de l'abbaye, il est loué en fermage. Le fermier paye des rentes, entretient le moulin et cure l´étang.
En 1830 est construit le moulin qui fonctionne jusqu'au milieu des années 1950. La maison d'habitation, conçue pour héberger les ouvriers, est construite après 1883, date à laquelle Charles Gustave Estrade devient le propriétaire.
La matière première et les farines sont acheminées par mer.
Le moulin est racheté par la famille Le Doaré en 1934. Durant le 20e siècle, un moteur fonctionnant au charbon complète l'énergie marémotrice.
En 1948, le moulin fonctionne à l'électricité. Détruit en partie par un incendie en 1956, il n'a pas été reconstruit. L'activité de minoterie a cessé peu à peu et a été remplacée par une activité d'élevage de truites.

Charles et Jeff s'entraînent à perfectionner leur mouvement de pagaie.

Nous retrouvons les bateaux militaires.
Ici, la frégate Primauguet (139 mètres de long) a pris le poste de mouillage de la frégate Duguay Trouin, sortie le 30 juin, pour se faire déconstruire à Gand, en Belgique.

Nous faisons une petite halte au port de Térénez.
Jeff nous raconte qu'ici, en 2013, la Brasserie du Bout du Monde s'est implantée dans des anciens souterrains de l'OTAN.

Nous repassons devant l'abbaye.
Le monastère fut fondé à la fin du Ve siècle par Saint Guénolé. Depuis, il n’a cessé d’évoluer au cours de différentes reconstructions, extensions et transformations.
Sa période d’apogée se situe au IXe siècle. A cette époque, les moines construisent le monastère carolingien. Celui-ci sera détruit par les Vikings en 913. Au XIe siècle, les moines construisent une nouvelle église romane sur les fondations de l’ancien monastère du IXe. S’en suivent plusieurs siècles de reconstruction et destructions/pillages.
Ce n’est que très récemment, en 1950, que la Communauté bénédictine de Kerbénéat rachète le domaine. Celle-ci va construire la nouvelle Abbaye Saint-Guénolé et s’attacher à préserver l’ancienne.

Sur la rive droite, nous apercevons l'île d'Arun qui accueille une ancienne poudrière, datant de 1693.
L' édifice servait au séchage, au stockage et à la protection de la poudre neuve fabriquée dans la poudrerie de Pont-de-Buis.

Nous voici à Port Maria, où Lionel retrouve l'un de ses amis, qui l'attend sur le quai.

Le vent a forci. Nous longeons la côte vers le sillon des Anglais.
Nous croisons des ostréiculteurs en pleine récolte.

Nous arrivons au sillon des Anglais.
Les sillons sont des cordons littoraux, on en dénombre une bonne trentaine dans la rade de Brest; ils  évoluent naturellement au gré des courants et des coups de vent.
L'Aulne a bien moins de force que la mer, ainsi les galets du sillon longent le flanc Nord du sillon et finissent par se déposer à l'extrémité de la flèche qui grossit petit à petit.
Depuis sa création, il y a environ 10 000 ans, le sillon poursuit son allongement.
Pourquoi de nom ?
Jadis, les Anglais débarquèrent ici pour piller l'abbaye de Landévennec.
Pour une étude détaillée de ces sillons, voir le document de Pierre Stéphan, Bernard Fichaut et Serge Suanez:
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00663331/document

Nous faisons un bac pour revenir vers Moulin Mer.
Vent et vagues de travers. En abattant, je profite de quelques surfs.

Nous débarquons près de la cale.

Ainsi se termine cette belle rando.
Une bonne compagnie, une belle ambiance, des couleurs magnifiques, des sites d'intérêts, une belle météo, le spectacle de la nature ... tous les ingrédients pour une balade réussie !

Nous avons parcouru 21,1 km soit environ 11,4 milles nautiques.

Paul fête on anniversaire, il nous offre une tournée dans un bar à l'Hôpital Camfrout.
Une belle manière de finir la journée !
Sur le chemin du retour, Jean et moi en profitons pour découvrir l'oeil de Pierre Chanteau au port de Kerascoët.