Tourduf en kayak de mer : de Stagadon à Molène (3/9)
Tro Pen Ar Bed en kayak de mer : de Stagadon à Molène.
Vendredi 22 juillet:
Troisième étape de notre Tour du Finistère en kayak de mer.
Jean nous réveille au son de la cloche à 5h55.
Sa coque de bateau renversé lui avait semblé un gîte tout à fait incomparable la veille (voir article précédent).
Malheureusement, il n'avait pas réalisé que, dans cet abri non isolé, il serait aux premières loges pour écouter les cris des oiseaux la nuit.
Résultat : il n'a pratiquement pas dormi ! ...le prix de l'originalité !
La marée est haute, nous partons à 7h10.
Nous assistons au lever du soleil, magique !
Jacques nous quitte et repart vers Plouguerneau.
Nous commençons notre navigation soleil dans le dos, pour un parcours de 25,51 milles, pendant 6h50, à une vitesse moyenne de 3,8 noeuds.
Nous passons au sud des îles de la Croix, puis au sud de l'île Tariec et de l'île Guenioc.
Celle-ci conserve des monuments mégalithiques de la plus haute importance.
Quatre cairns regroupant une douzaine de tombes y furent édifiés.
Le plus ancien date de 4600 ans avant Jésus-Christ.
Avec cette luminosité, le paysage est sublime !
Sur un îlot, un reste de balise...
Nous croisons un goémonier en plein travail, non loin de l'île Guénioc, c'est l'Enez-Hir.
On les appelle aussi les moissonneurs de la mer.
Ces bateaux sont équipés de "scoubidous" hydrauliques.
Le scoubidou hydraulique est un bras motorisé piloté à partir de manettes dans la cabine.
A l'extrémité de ce bras que le goémonier plonge dans la mer pour aller racler la roche, on trouve une vis hélicoïdale.
Il lui suffit alors de la faire tournoyer très vite dans l'eau et de la remonter en même temps pour remonter le goémon arraché au fond.
80% de la production nationale de goémon vient de Bretagne, la moitié du Nord Finistère !
Pendant une heure nous naviguons sur un parcours côtier pour bénéficier du courant le plus fort, puis nous nous éloignons de la côte pour atteindre le phare de Corn-Carhai, trônant sur le caillou auquel il doit son nom.
Dominant les flots de ses vingt mètres, avec ses trois éclats blancs qui portent jusqu’à neuf milles, il prévient le navigateur de l’approche de cette zone particulièrement dangereuse.
Nous profitons de la houle pour faire quelques surfs dans la zone.
Dix minutes après avoir passé Corn-Carhai, une épaisse brume nous envahit.
La visibilité est de 50 mètres maxi.
Quelle étrange atmosphère. Nous pouvons rapidement perdre nos repères.
Où est le continent ? où est le large ?
Nous sommes dans une zone dangereuse : les roches de Portsall, et nous devons ensuite traverser les roches d'Argenton.
Heureusement, nous avons 2 GPS pour nous repérer. Jef a un eTrex 10 de Garmin, et personnellement, j'utilise l'application Navionics sur tablette.
Soudain nous entendons le bruit d'un moteur qui se rapproche.
Je sors ma corne de brume de mon gilet et je souffle plusieurs fois pour signaler notre présence.
Elle émet à plus de 100 db.
Le bruit est de plus en plus proche.
Une vedette de plaisance sort de la brume, elle fonce droit sur nous et va beaucoup trop vite, au regard des conditions météo.
Je continue à souffler, la vedette ralentit et dévie sa route, en nous évitant.
Le bruit de moteur s'éloigne, ils ont compris et semblent naviguer moins vite.
Moralité : avoir toujours une corne de brume puissante sur soi, dans la poche du gilet...elle peut vous sauver la vie !
Notre objectif est d'atteindre le phare du Four.
Nous faisons le point et j'annonce "cap au 225 et nous devrions voir le phare avant 11h00."
Nous sommes très vigilants sur la tenue du cap.
Parfois nous entendons le bruit des déferlantes qui s'écrasent contre les rochers, et nous découvrons ceux-ci au dernier moment.
Tous nos sens sont en éveil.
Jef annonce "nous avons probablement dépassé le phare"
D'après mes calculs, nous devrions y être dans 15 minutes.
Dix minutes plus tard, Jef et Jean naviguent devant moi, à bâbord.
Je regarde à tribord, et je distingue une masse brune dans la brume.
Je crie "Hey, les gars, regardez, c'est le phare du Four !"
Mes compagnons passaient devant sans le voir.
Après 2 heures de navigation dans la brume, nous avons trouvé le phare !
Une immense émotion nous envahit alors, nous crions notre bonheur, une des plus belles émotions depuis que nous naviguons en kayak.
En cliquant sur la photo pour l'agrandir, vous apercevrez mieux le phare du Four (photo Jean Drouglazet)
Nous nous approchons du phare, et le distinguons un peu mieux.
Ce phare a été bâti en 1874, et automatisé en 1993. Sa portée lumineuse est de 24,5 milles (environ 45 km).
Il marque la limite entre l'Atlantique et la Manche.
Nous sommes toujours avec une visibilité réduite, nous décidons donc de renoncer à mettre le cap sur Molène car ce serait prendre trop de risques.
Nous mettons donc le cap au Sud pour rejoindre la côte.
15 minutes plus tard, le temps s'éclaircit, et la visibilité s'améliore.
Jean se retourne et nous interpelle :
"Regardez, le phare..."
Celui-ci a sa base dans la brume, et son sommet est très visible.
La brume se dégageant par notre arrière, nous décidons de mettre le cap sur l'île de Molène (cap 240).
Après une navigation tranquille, nous laissons Ouessant et l'ile de Bannec à tribord et nous arrivons à Molène vers 14h00.
La marée est basse.
Le canot de sauvetage de l'île est au mouillage dans le port, canot "tout temps", il porte le nom de son principal donateur : Jean Cam.
Un voilier est au mouillage dans le port. Nous saluons ses occupants.
Ils nous demandent d'où nous venons. Ils nous ont aperçu ce matin quand la brume est tombée.
Ils viennent d'arriver à Molène, et sont impressionnés par notre parcours.
Ils sont partis à 8h30 de l'Aber-Wrac'h, nous à 7h10 de Stagadon.
Le niveau de l'eau est trop bas pour passer entre l'île Molène et l'île de Lédénez Vraz.
Nous débarquons et mettons nos kayaks au mouillage.
En attendant la marée montante, nous nous offrons un petit "luxe" : une saucisse de Molène - frites chez Rachel.
Cadre enchanteur, un repos bien mérité !
Pendant le repas, nous voyons nos kayaks dépasser le quai, poussés par la marée.
Le niveau d'eau est suffisant, nous ré-embarquons et rejoignons la cale Charcot.
Malheureusement, lors de l'embarquement, en mettant ma vareuse, j'oublie ma montre posée sur mon kayak.
Quand je m'en rends compte, c'est trop tard, elle est perdue quelque part dans le port de Molène.
Nous débarquons sur la cale Charcot, et remontons nos kayaks à l'aide du chariot de Jef.
Nous installons notre bivouac sur les espaces verts tout proches, qui font partie du camping de l'île.
Jef ayant appris que l'île dispose d'un lavomatic et des douches chaudes près de la Poste, il commence par faire sa lessive et nous prend des jetons pour la douche.
Après l'installation des tentes, j'aide Jean à régler sa voile, c'est pour lui une première expérience, à l'aide d'une voile Décathlon empruntée à un ami kayakiste.
Un banc de dauphins (une vingtaine) passent devant nous en remontant le courant.
Malheureusement, le zoom de mon appareil photo ne fonctionne plus. Heureusement, j'avais anticipé cet incident, et avais prévu un 2ème modèle en secours.
En soirée, nous bénéficions d'un superbe temps ensoleillé. La marée est montée, Lédénez Vraz est redevenue une île.
Un couple passe devant notre bivouac, il s'agit de Marie-Pierre et Eric.
Ils nous ont vus arriver dans le port en début d'après-midi, à bord de leur voilier.
Ce sont d'anciens kayakistes du NACK (Nantes Atlantique Canoë Kayak), qui connaissent bien Annick, avec qui nous naviguons souvent à Plouhinec.
Nous échangeons sur notre périple, et cela leur donne presque envie de reprendre le kayak !
Après un apéro chez Rachel, où nous commençons à réfléchir à la navigation du lendemain, nous prenons notre repas en bivouac.
Jean et moi allons ensuite prendre une douche, en utilisant le jeton fourni par Jef.
Pour Jean, pas de problème. Pour moi, une douche hors service et un jeton perdu !
Décidément, c'est ma journée !
Un dicton dit : "Qui voit Molène voit sa peine"
Il y a peut-être une part de vérité me concernant :
- le zoom de mon appareil photo est HS
- ma montre, détenue depuis vingt ans et donnant les heures de marée, est perdue dans le port.
- la douche espérée est HS.
Ainsi se termine cette 3ème étape, la journée fut bien remplie.
Elle nous a procuré de belles émotions, et nous nous en souviendrons longtemps.
L'apparition du phare du Four dans la brume fut un grand moment.
La possibilité de venir à Molène nous a ravi, cette île est magique !
Demain, nous continuons l'aventure, en revenant sur le continent, vers l'anse de Dinan.
A suivre...