Voyage en Aquitaine : balade dans le bassin d'Arcachon

Voyage en Aquitaine : balade dans le bassin d'Arcachon

Dimanche 16 octobre 2022

Les photos non signées Pascal J - Yanike Kayak sont de Jean Drouglazet

Suite de notre voyage en Aquitaine.
Le lac de Cazaux s'éveille dans une atmosphère calme et sereine.

Après une journée consacrée au roll groenlandais (voir article précédent) et un bivouac sur les bords du lac de Cazaux, nous prenons la direction d'Arcachon, où nous rejoignons Marie-Pierre près du centre nautique.
Mercedes et Marie-Pierre nous ont proposé de nous faire découvrir aujourd'hui une partie du bassin d'Arcachon en kayak.
Nous partons de la plage du port d'Arcachon.
 

Nous faisons cap au nord-ouest vers l'Ile aux Oiseaux.
Le Bassin d’Arcachon est une vaste baie où se mêlent les eaux douces de la Leyre aux eaux tumultueuses de l’océan, il serait aussi vaste que le Golfe du Morbihan, mais avec une seule île.
Il a également conservé sa tradition ostréicole, nous naviguons à proximité des parcs.

Nous arrivons en vue des cabanes tchanquées, devant l'île aux Oiseaux, petit paradis sauvage de 3 km2.
L'île compte 53 cabanes en bois, les deux premières que nous apercevons sont fièrement dressées au-dessus de la mer.
Emblématiques du bassin d’Arcachon, elles sont appelées ici « les cabanes Tchanquées ». En gascon, les tchanquées représentent les traditionnelles échasses des bergers (chancas = échasses).
Mais quelle est donc leur histoire :
Tout a commencé en 1883, Martin Pibert, vivant à Gujan-Mestras, construit une première cabane à l’Est de l’île aux Oiseaux.
Son objectif était de surveiller ses parcs à huitres, qui à l’époque étaient victimes de vols très fréquemment. Cependant cette cabane faite de bric-à-brac n’était pas très résistante aux intempéries et fût détruite par une énième grosse tempête en 1943.
En 1945, un charpentier menuisier d'Arcachon, nommé Landry, se mit en tête de construire une nouvelle cabane pour son usage personnel à environ 40 mètres de la première, et sur le modèle de celle-ci.
Teinte marron aux volets rouge, elle porte le numéro 51, en référence à la concession qu’il a obtenu.

En 1948, Julien Longau, entrepreneur en bâtiment, maire-adjoint aux travaux de la ville de la Teste de Buch, obtient l’autorisation, tant convoitée, d’ériger une deuxième cabane tchanquée à l’emplacement anciennement occupé par la première cabane de 1883. Celle-ci fût terminée en 1954.
À la mort de Mr Longau, sa fille Paulette a bénéficié du droit d’occupation pendant 20 ans, mais n’ayant pas d’héritier, elle légat la cabane numéro 53 à la commune de la Teste et au conservatoire du littoral.
Devant l’état de délabrement de l’édifice, la municipalité de La Teste a décidé de la déconstruire et de la reconstruire à l’identique, dans le courant de l’hiver 2007/2008, occasionnant 600 000 euros de travaux.

Jean et moi montons sur la cabane no 53, pendant que Mercedes et Marie-Pierre gèrent nos kayaks.
La vue du balcon est magnifique, offrant un beau panorama sur l'île aux Oiseaux et la côte ouest du bassin.

Nous ré-embarquons et contournons l'île aux Oiseaux par l'Est.
Nous observons à bâbord d'étranges constructions, surmontées de canards immobiles.
Il s'agit de cabanes utilisées pour la chasse à la tonne.
La chasse à la tonne est une chasse d’affut pratiquée avec des canards appelants qui nécessite la construction d’une tonne et la création d’un plan d’eau. La tonne est une petite cabane flottante en bois placée dans une fosse et ancrée aux quatre coins, car soumise au régime des marées. Des guichets de tir sont positionnés en partie supérieure.
Les appelants sont sélectionnés pour leur voix qui incite leurs congénères sauvages à se poser dans le lac de tonne. Il sont savamment disposés sur le lac afin que le « tonnayres » puisse distinguer les sauvages des appelants.
Les lacs de tonnes sur l’île aux oiseaux

Cette chasse, plus qu’une passion, est un véritable art de vivre. Le tonnayre, en dehors des périodes de chasse, élève ses appelants, entretient sa tonne et son lac, puis la saison venue, passe les froides nuits d’hiver en veille dans l’attente d’une très hypothétique pose.
On compte quarante-et-une tonnes sur le territoire de l’île.
(source : Aclou, Association des concessionnaires, locataires, occupants et usagers de l’Île aux oiseaux pour la défense du paysage naturel et bâti)

Nous longeons les cabanes de l'île aux Oiseaux ...

... puis nous traversons vers la pointe aux Chevaux.
Cette pointe, faisant saillie, empiétant sur le Bassin, rapprochait la côte de l’Ile aux Oiseaux, située juste en face.
Sur l’île, poussait une herbe salée réputée tonique, recommandée pour les animaux, mais sur laquelle il fallait les conduire.
On rassemblait les bêtes, généralement des chevaux, sur la plage, et de là, à l’étale de basse mer, accompagnés par des marins les encadrant à bord de pinasses, on leur faisait traverser le chenal à la nage et gagner l’île où ils restaient, quelque temps, au pacage.
La tempête du 27 octobre 1882, qui submergea entièrement l’île, mit fin au pacage des animaux et donc aux traversées maritimes des troupeaux.

Nous suivons cette côte plus urbanisée, en direction du sud.
Sur l'eau, nous croisons quelques pinasses, bateaux emblématiques du bassin d'Arcachon.
C'est une embarcation à fond plat, à l'origine à voile et avirons, puis au moteur, utilisée traditionnellement pour la pêche et l'ostréiculture.

Nous voici devant le village de Grand Piquey (en gascon, piquey signifie "dune")
Nous apercevons l’ancien hôtel Chanteclerc, modeste pension de famille (aujourd’hui privée) où séjournait régulièrement Jean Cocteau dans les années 1910. Il y est revenu avec Jean Marais en 1939.

Cabanes en bois colorées, jetées, parcs ostréicoles, belles villas dans un cadre verdoyant... cette côte a un charme indéniable !

Nous rencontrons enfin le "chéri" de Mercedes : musclé, bel homme, toujours paisible.
C'est un ostréiculteur de bronze au milieu des parcs.
« Le Parqueur » a pris place dans les parcs de Philippe Reveleau, l’ostréiculteur qui a fait ériger cette statue de deux mètres figurant le professionnel au travail. Son idée était : « Rendre hommage à notre métier par une statue placée dans les parcs, que les promeneurs pourraient bien voir de cinquante mètres environ »
Cette statue est l'oeuvre de la sculptrice Christine Wiersema-Nederlof.
L’essentiel de son poids, une tonne sur les 1 300 kg de l’ensemble, réside dans le béton du socle, posé sur le sable.
À marée haute, « Le Parqueur » disparait complètement sous les eaux, et surgit progressivement au fil de la descendante. Il n’a ainsi jamais la même allure, ne renvoie jamais la même image.

Nous poursuivons cette jolie balade côtière jusqu'à la plage de l'Herbe, où nous débarquons.

L'endroit est magnifique, une pinasse débarque des passagers.

Nous nous changeons et partons à la découverte de ce petit village très pittoresque, mélange d’exotisme, de dépaysement, de curiosité, de liberté.
Inscrit à l’inventaire des sites pittoresques de France, il est composé de nombreuses petites cabanes bariolées.
L'atmosphère y est très paisible, un peu hors du temps, dans ce dédale de ruelles fleuries et étroites, aussi colorées et coquettes que les cabanes qui les composent.
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Nous faisons une halte pour déguster des huitres (banc d'Arguin et Cap Ferret) : un délice !

Nous poursuivons notre balade pédestre vers la chapelle de l'Herbe, Sainte-Marie du Cap, plus connue sous le nom de chapelle algérienne.
Elle fut la toute première église construite au Cap-Ferret.
Cette chapelle est l'oeuvre de Léon Lesca, un riche industriel français, qui fit fortune en Algérie, notamment grâce à la reconstruction du port d'Alger.
De retour en France, il achète en 1864 une vingtaine d'hectares de terrains en bordure du Bassin, entre Claouey et Bélisaire, sur la presqu'île du Cap Ferret.
Au milieu de ce désert de sable et de pins, l'entrepreneur fortuné fait bâtir une grande villa d'inspiration mauresque, entourée d'un grand parc planté de mimosas, palmiers, yuccas, bananiers, eucalyptus, cèdres du Liban.
Fidèle à sa réputation de philanthrope et bienfaiteur de la presqu'île, M. Lesca fait également aménager une jetée, construire une école et des logements pour le personnel de sa villa (plus de 80 personnes), un presbytère (la maison, remaniée, existe toujours) et enfin la célébrissime chapelle mauresque en 1885, qui mélange les inscriptions latines et arabes, croix chrétienne et croissant islamique.
Léon Lesca s'éteint dans sa villa de l'Herbe en 1913, à l'âge de 88 ans.
Malheureusement, la Villa sera délaissée par ses descendants, puis peu à peu laissée à l'abandon.
En 1965, le domaine est vendu à un promoteur immobilier, puis rasé pour laisser place à un immeuble.
La petite chapelle mauresque est le dernier vestige de ce que fut autrefois la sublime Villa Algérienne.

En regardant vers le bassin, nous apercevons Arcachon et la dune du Pilat.

Nous rejoignons nos kayaks par la plage.
Le vent a forci, montant à force 5.
La consultation de la météo nous informe qu'il va baisser en soirée, inutile donc de se presser pour naviguer vent de face.
 

Après une pause sur la cale, nous reprenons la mer, cap au sud.
Nous revoyons la chapelle algérienne ...

... et passons sous la jetée de Bélisaire.

Nous naviguons le long des parcs ostréicoles...

... et arrivons au Mimbeau, une longue langue de sable blanc à l’aplomb du phare du Cap-Ferret et formant avec la côte intérieure de la pointe une lagune.
 

Nous entrons dans cette baie appelée conche du Mimbeau. Sa longueur est d'environ 800 mètres et sa largeur atteint un maximum de 30 mètres.
 

Nous sortons du Mimbeau et, derrière les perches des parcs se dresse la dune du Pilat, impressionnante !.
Il faudra absolument y revenir !

Nous entamons la traversée vers Arcachon.
Le vent a baissé d'intensité, nous l'avons 3/4 arrière, la navigation est plaisante.

Nous longeons une côte plus urbanisée.

Après la jetée Thiers, nous arrivons devant la queue de Baleine.
Depuis  2011, c’est devenu une tradition. Au retour des beaux jours, une queue de baleine fait son apparition au large de la plage Thiers d’Arcachon.
Cette sculpture en résine polyester et en inox est l’œuvre de l’artiste belge Emmanuel Janssens Casteels spécialiste des reconstitutions grandeur nature. 
Sa partie émergée mesure 4 mètres de haut pour une envergure de 9 mètres tandis que la partie immergée mesure environ 5 mètres. Cette dernière est alourdie d’un très gros poids. Sans cela, l’oeuvre ne pourrait pas tenir constamment à la verticale. L’ensemble pèse environ 2,5 à 3 tonnes. Grâce à une chaîne accrochée au fond de l’eau, au gré des vagues, la queue de baleine peut flotter sur un périmètre de 30 mètres.
Chaque hiver, elle est mise au sec et nettoyée pour éviter que la structure en inox ne se corrode.
Elle a été blanche en 2011, rose en 2012, bleue en 2013, d’un vert pâle magique en 2014 (la peinture renvoyait, la nuit, la lumière absorbée le jour), orange en 2015, jaune en 2016, jaune et noire, aux couleurs d’Arcachon, pour les 160 ans de la ville en 2017, multicolore ensuite. Cette année, elle est aussi marine qu’un pull de marin, avec une colombe de la paix aux couleurs de l'Ukraine.

Nous avons de la chance, c’est quand même plus simple de regarder la queue de la baleine à Arcachon que depuis les côtes de la Tanzanie, de La Réunion, d’Afrique du Sud, de l’Australie, d’Hawaï ou de Californie.
Là-bas, les baleines n’arrêtent pas de bouger, elles plongent, elles ressortent, elles replongent, elles sautent, elles disparaissent ici, elles réapparaissent ailleurs, un vrai cauchemar pour les photographes !

Le vent est tombé, la mer est comme un lac. L'atmosphère est très paisible, les couleurs sont magnifiques avant la tombée de la nuit, un vrai bonheur de glisser sur l'eau dans ces conditions.
Dans la ville, nous apercevons la grande roue.
La Royal Bavarian Wheel (en français, la roue royale bavaroise) est incontournable : un poids lourd de 180 tonnes et de 50 mètres de haut. Lors de son tour de six minutes, elle a l’avantage de proposer une vue panoramique sur la ville d’Arcachon et le Bassin.

Nous arrivons sur la plage près du port.
Mercedes passe quelques rolls, histoire de ne pas perdre la main et de garder la tonalité de notre week-end.

Ainsi se termine cette merveilleuse journée dans le bassin d'Arcachon.
Nous avons pris grand plaisir à découvrir de nouveaux sites de navigation, en très bonne compagnie.
Comme d'habitude, nous sortons de cette belle balade enrichis d'anecdotes, de beaux paysages, d'histoire, de géographie, de bons moments conviviaux ...
Le kayak est vraiment un sport extraordinaire !

Un grand merci à Mercedes et Marie-Pierre pour leur belle proposition qui restera gravée dans nos mémoires.
Nous avons vécu un super week-end et rencontré des kayakistes très accueillants.
Une chose est sûre : nous avons envie de revenir pour découvrir les autres secrets de cette belle région.

Vive le kayak.

Lors de cette journée, nous avons parcouru 14,76 milles nautiques.