La rivière d'Auray
La rivière d'Auray
Samedi 20 mars 2021
20 mars : c'est le printemps !
Pourtant, ce matin, il fait 5 degrés.
Lionel nous a proposé de naviguer sur la rivière d'Auray.
Maurice et moi avons répondu à l'invitation.
Nous retrouvons Lionel et Cécile sur le quai Franklin à Auray.
En venant un peu avant 9h30, je pensais trouver une place non loin de la grande cale ... erreur ! Le club d'aviron reprend ses activités, et il y a du monde.
En discutant avec quelques passants, on note aussi la présence de franciliens qui ont fuit leur région suite au confinement annoncé ce week-end.
Heureusement, Maurice et moi avons nos chariots, ils faciliteront le transport des kayaks.
Nous avons assez d'eau pour partir directement de la grande cale, rive gauche, nous embarquons vers 10h20.
La marée est haute à 8h45 (coef 49), basse à 15h24.
Nous remontons la rivière vers le port de Saint-Goustan.
Ce petit port, avec ses ruelles pavées, son pont de pierre, ses maisons à pans de bois, offre une ambiance médiévale pleine de charme.
Aux 16e et 17e siècles, le trafic du vin et des céréales en font le troisième port breton. Les souvenirs résonnent encore sur les dalles de granit, rappelant que l’Américain Benjamin Franklin a accosté ici en 1776 pour rencontrer Louis XVI.
Inscrits à l’inventaire du patrimoine historique, les contreforts de ce que fût jadis le château d’Auray surplombent le port, offrant une vue imprenable sur le port.
Nous faisons demi-tour et prenons la direction de la mer.
Nous glissons sur la rivière, entre bateaux au mouillage et chemin de halage, et nous arrivons sous le pont de Kerplouz, sur lequel passe la voie express.
Nous quittons la ville et abordons le côté champêtre des rives bordées de forêts et de champs.
Sur la rive droite, nous apercevons un château en pierres du XIe siècle et un manoir anglais du XVIIIe siècle, rénové en 2015.
Résidence principale des seigneurs de Kaër (ou Quer) – dont la seigneurie s’étendait alors de Locmariaquer à Vannes – jusqu’à la fin du XVIe siècle, le château en pierres est la propriété successive de différentes grandes familles dont les Robien.
Christophe-Paul de Robien (lointain ancêtre de l’ancien ministre Gilles de Robien) fut président du Parlement de Bretagne à la veille de la Révolution française.
Les derniers propriétaires proposaient des chambres d’hôtes et l’accueil de mariages dans le domaine de 60 ha.
Ce domaine a cependant été mis aux enchères fin 2020, et vendu pour 4,555 millions d'euros.
La rivière s'est élargie, le courant et le vent de secteur nord nous poussent.
Sans pagayer pendant 5 minutes, j'avance à 1,5 noeud.
Rive droite, nous voici maintenant devant l'accès à l'étang du Plessis.
Au milieu de la rivière, une balise nommée César. Pourquoi César ?
C’est au 17e siècle que l’on retrouve les plus anciennes mentions de la présence de vestiges d’un pont permettant de relier Kerisper (Pluneret) et Rosnarho (Crach) sur la rivière d’Auray. Les cartes marines signalent un « Pont de l’Arche » ou « Pont des Arches ».
Vers 1756, Christophe-Paul de Robien, homme politique, historien et collectionneur d’art, décrit dans son Histoire ancienne et naturelle de la province de Bretagne « les restes d’un pont dont on perçoit encore, à marée basse, quelques piles qu’on a bien de la peine à détruire pour nettoyer la rivière ».
S’il le dénomme alors « Pont des Espagnols », il n’en attribue pas moins l’ouvrage aux Romains au regard de sa maçonnerie et s’interroge sur sa destination. Progressivement, la dénomination « Pont des Espagnols » est remplacée par « Pont de César ».
Nous arrivons à la pointe de Kérisper et virons à bâbord dans la rivière du Bono.
Nous passons sous le pont Joseph Le Brix, baptisé en hommage au célèbre aviateur né à Baden le 22 février 1899 et où il repose.
Les travaux de construction sont terminés le 20 juillet 1969, le pont s'élève à 26 mètres au dessus de la rivière.
Des bateaux au mouillage ... nous approchons du port du Bono.
Nous entrons dans ce petit port paisible et pittoresque.
Ce port a connu autrefois une activité importante avec environ 400 marins et plus de 100 bateaux.
Ils pratiquaient leur activité à bord des "forbans", ces voiliers de pêche cousins des Sinagots, équipés de voiles rouges.
La particularité première du Bono, c'est son superbe pont suspendu vieux de plus 170 ans, tout de métal et de bois vêtu.
En novembre 1997, ce pont suspendu est inscrit à l’inventaire des monuments historiques.
Le vieux pont est reconstruit à l'identique en 2005 et est réservé aux piétons et vélos.
Nous passons sous le pont suspendu et remontons la rivière du Bono (c'est aussi la rivière du Sal).
Sur les rives nous apercevons les vestiges d'une activité autrefois florissante, l'ostréiculture.
Terre-pleins, cabanes, amas de tuiles jalonnant les bords de la rivière sont les témoins du travail des hommes, des femmes et des enfants qui les ont bâtis.
La situation abritée du pays d’Auray dont fait partie Le Bono fut le lieu d’élection du captage du naissain (bébés huitres). Il est depuis considéré comme le berceau de l’huitre plate.
Après avoir testé différents supports en guise de collecteurs, le choix se portera sur les tuiles demi-rondes. Celles-ci seront enduites de chaux pour faciliter le décollage (ou détroquage) du naissain, puis assemblées en « bouquets » de 10 à 12 tuiles avec du fil de fer, selon la méthode inventée par Eugène Leroux en 1867.
A bâbord, nous apercevons la chapelle de Sainte Avoye, sur la commune de Pluneret.
Edifiée au XVIème siècle, elle impressionne par sa physionomie et ses dimensions.
Après avoir admiré un beau corps de ferme à bâbord ...
... nous virons à tribord vers l'étang de Kervilio, où nous découvrons un moulin à marée.
Avec le petit coefficient et la marée descendante, nous avons eu juste assez d'eau pour accéder au moulin.
Les champs de vase s'étendent de plus en plus sur les berges.
Nous faisons demi-tour et descendons vers le Bono.
Nous avons d'autres points de vue sur les environs.
Sur la rive droite, nous apercevons un cimetière de bateaux.
Nous voici revenu au Bono, où nous repassons sous les deux ponts.
Devant nous, la rivière d'Auray ...
Nous filons sur la rivière, portés par le courant et poussés par le vent du nord.
Nous admirons les belles propriétés sur les rives.
Le Scala est au mouillage.
Sa forme ne nous est pas inconnue.
Cet ancien bateau de la SNSM, rénové par l’association Marins sans frontières, dont le vice-président est Gérard d'Aboville, prendra dans quelques mois la direction de Madagascar pour des missions de sauvetage.
Vedette de 13,40 m de long, Scala était auparavant la SNS 121 J.M. Camenen, rattachée à Arcachon (Gironde) et construit en 1980.
Les berges rappellent aussi les bilans des tempêtes et les vestiges du passé ...
Nous arrivons dans la zone ostréicole, où les parcs à huitres sont nombreux.
Sur la rive gauche, le port du Parün.
Nous accostons en face, sur la pointe de Fort Espagnol.
Près de la cale de Kercado, nous trouvons un endroit tranquille pour pique-niquer.
Les tamaris nous abritent du vent, on est bien au soleil !
Nous sommes ici sur le point le plus étroit du début de la rivière.
En 1865-1870, lorsque M. Solminihac, créateur de l'appellation Belon, installe ses premières concessions, il n'y a pas grand-chose sur ce petit bout de terre.
Juste trois bâtiments. La grande bâtisse carrée aux volets bleus, une partie de l'habitation de l'autre côté de la jetée et la maison en pierres donnant sur l'anse de Kercado.
Cette maison, située sur le domaine maritime, présente une particularité qui la rend peut-être unique. Elle a été construite avec un nable (bouchon fermant le trou par où s'écoule l'eau de la coque d'un navire) car son sous-sol se remplit à marée haute.
Avec la marée descendante, les parcs à huitres se découvrent.
Nous devons être vigilants afin de trouver les bons passages sur ces vastes étendues.
Nous arrivons devant l'île du Grand Huernic.
On y trouve une maison en ruine qui servait à surveiller les parcs.
A marée basse, le Grand Huernic est relié par un tombolo à une île plus petite, le Petit Huernic.
C'est un site de repos et de nidification pour les sternes.
Maurice y débarque pour filmer les environs.
Nous contournons le Petit Huernic et revenons vers la pointe du Blair.
Sur celle-ci, nous observons une maison remarquable.
En 1905, le Comte Arthur Dillon veut créer ici un port en eau profonde, qui aurait pu accueillir en tout temps les navires aux plus grands tirants d'eau de l'époque.
Finalement le projet est abandonné vers 1924.
Une maison a été construite en 1907 et devait probablement accueillir les premiers services du futur port.
Abandonnée dès 1909, sa ruine a longtemps été surnommé "l'hôtel des courants d'air".
Le réalisateur Gilles Legrand a racheté cette maison aux descendants du Comte Dillon, avec pour objectif de la réhabiliter pour y passer sa retraite.
Malgré l'opposition d'associations locales, le tribunal a validé la rénovation.
Nous croisons un groupe de kayakistes du club de Saint Grégoire, près de Rennes.
Ils sont venus naviguer deux jours dans le golfe.
Nous entamons notre remontée vers Auray.
Les parcs à huitres et le port du Parün sont bien découverts.
Le vent du nord nous ralentit dans notre progression, et n'est pas compensé par la marée montante.
Nous effectuons un remorquage sur quelques milles.
Nous arrivons à Auray vers 17h20.
Nous débarquons sur le ponton réservé aux kayaks.
Après avoir rangé notre matériel, nous ne tardons pas, le couvre-feu à 19h00 nous oblige à prendre rapidement la route.
Nous avons vécu une bien belle journée sous le soleil.
Bien qu'ayant réalisé cette randonnée plusieurs fois, la rivière m'a livré de nouveaux secrets que j'ai tenté de relater ici.
Nous avons parcouru 16,51 milles nautiques sur la journée.
Maurice a réalisé une belle vidéo de cette randonnée :