Roll groenlandais à Plouhinec
Roll groenlandais à Plouhinec
Samedi 26 septembre 2020
Les photos sont de Jean Drouglazet.
Ce samedi 26 septembre, j'ai proposé à Hugues et Aurélien, nos coaches au club de Plouhinec, d'animer un atelier sur le roll groenlandais.
L'objectif est de faire connaître ces techniques douces pour redresser un kayak après chavirage.
Les nouveaux venus au club ont la possibilité de participer à un stage d'initiation et de mise à niveau au kayak de mer, animé par Aurélien, sur une durée de 5 samedi après-midi.
Aujourd'hui ils commencent leur 2ème séance.
A l'issue de ce stage, ils peuvent adhérer au club s'ils le souhaitent.
Nous décidons d'intégrer ces nouveaux venus à cet atelier roll, sur la base du volontariat bien sûr.
17 volontaires sont prêts à baigner, dont 6 nouveaux venus.
Le soleil est au rendez-vous.
La mer est haute à 13h32 (coef 41) et basse à 20h05.
Le vent vient du nord nord-ouest.
Je rappelle à chacun le programme, ainsi que la tenue pour éviter d'avoir froid, le vent est frais et la température pas très élevée : combinaison (néoprène, sèche, intégrale si possible), coupe-vent, pince-nez, lunettes ou masque de plongée, tapis ou bâche pour les exercices au sol, ...
Nous décidons de naviguer jusqu'à la plage des Capucins pour réaliser l'atelier.
Nous débarquons sur la plage.
Le plan d'eau est calme, terrain de jeu idéal pour l'apprentissage du roll.
Je commence par une explication du roll groenlandais.
Ce sont des techniques inventées par les Inuits pour redresser un kayak, sans déjuper, après un chavirage.
Elles répondaient alors à des situations de chasse ou de mer; elles sont au nombre de 35, et sont répertoriées.
Elles sont basées sur 3 rolls fondamentaux :
- le standard greenland roll
- le reverse sweep roll
- le storm roll.
Petit point de vocabulaire :
on utilise plutôt le terme de roll (du verbe "to roll", en anglais, qui signifie rouler) - en bon français on dirait "rouler", "roulade" - plutôt que "esquimautage", terme qui désigne une technique en reprenant le nom d'un peuple.
Conséquence, quand on n'est pas compétiteur (avec la musculature qui va bien ;-)), ces méthodes groenlandaises sont moins traumatisantes pour le corps.
On explore alors les 35 rolls répertoriés.
C'est un roll qui commence sur l'avant du kayak et qui se termine par l'arrière.
C'est le plus facile des 3 rolls fondamentaux cités ci-dessus.
Dans la section "Rolling" de ce blog, vous pouvez visualiser quelques vidéos :
Après ces explications, nous poursuivons par une séance d'échauffement, basée sur des postures de yoga.
Ces postures sont d'ailleurs utilisées dans l'exécution de certains rolls.
La posture de l'enfant :
C'est une posture reposante et très simple.
Elle permet à la colonne vertébrale de s'allonger passivement.
- s'assoir sur ses talons
- garder les hanches sur les talons, se pencher doucement en avant, et déposer le front sur le sol.
- les bras sont tendus vers l'avant, les mains doivent reposer doucement au sol, en gardant les bras tendus
- appuyer doucement la poitrine contre les cuisses.
- garder la position pendant 20 à 30 secondes.
- utiliser les mains pour revenir en position verticale, lentement, jusqu'à s'asseoir sur les talons.
La posture du chat et de la vache :
Ces deux postures combinées offrent le double avantage de travailler la mobilité de la colonne vertébrale et d’étirer les muscles pour les dénouer et les relâcher.
De plus, la position à quatre pattes la rend plutôt accessible et ne demande pas un effort très contraignant.
- se mettre à genoux, les mains en avant sur le sol (à "quatre pattes")
- les mains doivent être sous les épaules et les genoux sous les hanches avec des écarts correspondants à la largeur des épaules pour les mains, et à celle des hanches pour les genoux, pieds bien parallèles.
- ne pas s’écraser dans ses épaules, au contraire, repousser le sol avec des bras très actifs.
- cambrer, puis arrondir le dos
- le menton se lève vers le ciel pour la vache et se rentre dans la poitrine pour le chat.
- inspirer sur la posture de la vache et expirer sur la posture du chat.
- la bonne position des appuis est un angle inférieur à 90 degrés au niveau des hanches (entre le ventre et les cuisses). Eventuellement, reculez légèrement les hanches.
- pour aller de la posture du chat à la vache ou de la vache au chat, faire partir le mouvement des hanches à chaque fois.
La posture du bateau :
C'est une posture qui fait travailler les abdominaux, et qui améliore également la capacité d'équilibre .
- s'asseoir le dos droit et les jambes tendues
- lever les jambes ensemble, tout en maintenant le dos droit
- garder les bras droit devant , parallèles au sol, pour qu'ils procurent une stabilité
- maintenir la pose pendant 30 secondes puis relâcher
- répéter en augmentant la durée de la pause : 40 secondes, une minute.
Posture de l'angle en torsion :
En plus de renforcer les jambes et d'améliorer l'équilibre, cette posture active les muscles du dos et permet d'ouvrir les épaules.
La torsion favorise le travail en profondeur de la zone abdominale.
- effectuer une fente avec la jambe droite, les pieds à largeur de hanches, le talon du pied arrière relevé.
- la jambe gauche est active et tendue, la rotule «tirée vers le haut» (activation des quadriceps).
- la jambe droite forme un angle de 90° au maximum, le genou reste au-dessus de la cheville.
- étirer légèrement le torse vers l’avant et commencer à pivoter vers la droite.
- amener le coude gauche vers l’extérieur du genou droit.
- les mains sont devant la poitrine en position de prière.
- faire levier avec le coude pour intensifier la torsion.
- bien ouvrir l’épaule droite.
- maintenir la posture durant cinq à huit respirations profondes puis changer de côté.
La pratique régulière de ces postures permet d'augmenter sa souplesse et de faciliter les mouvements du roll.
Après l'échauffement, j'explique au sol le mouvement du standard greenland roll.
Quelques points à retenir :
- tourner le kayak en premier, sortir la tête en dernier
- c'est un mouvement de hanche qui fait tourner le kayak
- c'est la jambe "en bas", la plus proche de l'eau qui est actionnée
- le haut du corps est utilisé comme un flotteur
- les épaules doivent être bien à plat sur l'eau pour flotter. Si une épaule est plus basse, on coule.
- on effectue un balayage à la surface de l'eau avec la pagaie, avec un minimum d'appui.
- pour préserver les épaules et réussir le balayage, maintenir les mains et la pagaie contre la poitrine.
- le corps fonctionne comme un ressort : on commence plié, on finit déplié.
Nous passons à la démonstration sur l'eau.
Jean réalise cette démonstration :
- détail du standard greenland roll
- réalisation d'autres rolls pour montrer la diversité : butterfly roll, shotgun roll, reverse sweep roll, storm roll continu, roll avec norsaq, handroll, ...
Joël a réalisé une vidéo de cette démonstration (merci à lui) :
Aisance sous le kayak :
Le premier exercice proposé dans l'eau est un exercice d'aisance sous le kayak.
Des binômes sont constitués.
Un stagiaire est dans le kayak, sans gilet. Le binôme est debout dans l'eau jusqu'à la taille.
Le kayakiste se retourne et nage sous l'eau, sans sortir du kayak, en se dirigeant vers la plage. (merci à Michel V pour le partage de l'exercice)
Les mouvements de brasse doivent être exécutés le plus lentement possible, afin de sentir le kayak qui glisse à la surface de l'eau.
L'objectif est de se concentrer sur le fond marin, et se détendre pour contempler, et apprécier.
Quand notre cerveau est ainsi concentré à observer, il ne pense pas à donner le signal "il me faut de l'air".
On est donc plus détendu, plus zen, et on gagne peu à peu en capacité d'apnée.
Plus le kayak s'approche de la plage, moins il y a de fond, et plus on observe facilement le fond.
Quand il le souhaite, le kayakiste se retourne en s'appuyant sur le fond, ou bien demande l'aide de son binôme par un signal convenu entre eux.
Cet exercice est renouvelé plusieurs fois. Les deux membres du binôme permutent les rôles.
Une pratique régulière de cet exercice permet d'augmenter l'aisance sous l'eau.
Apprentissage du standard greenland roll :
Nous procédons à cet apprentissage en commençant par la fin du mouvement.
L'avantage de cette méthode, c'est que, quand le mouvement est exécuté normalement, le stagiaire revient sur des séquences qui sont déjà connues.
Nous avons vu que le haut du corps doit être utilisé comme un flotteur nous allons maintenant travailler cet aspect dans la fin du mouvement.
Jean réalise un démonstration de l'exercice.
Celui-ci consiste à se détendre sur le pont arrière du kayak, puis se laisser glisser dans l'eau à l'aide d'un flotteur (on peut utiliser le gilet)
L'objectif est de maintenir les épaules bien à plat sur l'eau, afin de flotter à côté du kayak, en se détendant par une respiration lente, la tête en arrière.
La main arrière peut être positionnée sous le kayak. La main avant tient le flotteur.
Il faut trouver l'équilibre, et sentir comment un mouvement de hanche et de jambe (celle la plus proche de l'eau) peut contrôler l'assiette du kayak.
On remonte ensuite le dos sur l'arrière du kayak, après avoir redressé celui-ci avec la hanche et la jambe, en utilisant les abdominaux.
La tête sort en dernier.
Le mouvement est répété plusieurs fois, afin de sentir les interactions corps/kayak.
Le travail se réalise en binôme, celui-ci est debout dans l'eau jusqu'à la taille, et rassure en cas de chavirage.
L'exercice suivant permet d'aller un peu plus loin dans le contrôle du kayak.
On repart sur les mêmes bases que l'exercice précédent : on se laisse glisser dans l'eau, et on cherche l'équilibre à l'aide d'un flotteur.
Nous avons vu que la condition pour que notre corps flotte à la surface de l'eau, c'est d'avoir les épaules bien à plat sur l'eau.
Si une épaule est plus basse, on coule.
Nous allons illustrer ceci en mettant la main arrière à côté de la main avant sur le flotteur.
Les épaules ne sont ainsi plus parallèles à l'eau et on coule sous le kayak qui se retourne.
La suite du mouvement consiste à venir remettre la main arrière sous l'arrière du kayak, en se retournant dans l'eau pour mettre les épaules bien à plat.
Le regard n'est plus vers l'eau, mais vers le ciel.
On se retrouve alors dans la position précédente, en équilibre, et on peut remonter sur le kayak (cf 1er exercice)
Le travail se réalise toujours en binôme, selon les mêmes principes.
Jean a fait une démonstration des différentes phases vues ici.
Tous les participants sont très motivés.
Les sensations commencent à être ressenties, et les progrès sont visibles dans les postures.
Et ceci dans la bonne humeur ...
Certains souhaitent aller un peu plus loin, et commencent à prendre la pagaie.
Cela permet aussi de constater la difficulté de limiter l'appui.
Remplacer le flotteur des premiers exercices par une pagaie (qui flotte moins bien !) permet souvent de constater que l'exercice semblait réussi grâce à un appui prononcé sur le flotteur, ce que l'on veut éviter à terme, puisque c'est le haut du corps qui remplacera l'appui.
Il est important de bien maîtriser chaque étape proposée. On peut aussi revenir temporairement à une étape précédente pour retrouver des sensations.
Quand on travaille avec un flotteur, il faut arriver à mettre de moins en moins d'appui sur ce flotteur.
Ci-dessous quelques instantanés qui permettent de mieux comprendre :
Toutes les erreurs évoquées ici sont normales dans l'apprentissage.
Il faut juste en prendre conscience pour les corriger dans les entraînements.
Après un bon début de mouvement et un bon balayage, les épaules ne sont pas restées à plat sur l'eau, et le bas du corps n'a pas redressé le kayak.
La tête se redresse trop vite. Le haut du corps est en tension, il y a appui maximum sur le flotteur. On recherche un corps très détendu avec la tête qui doit sortir en dernier.
La tête n'est pas sortie en dernier. Le haut du corps reste en tension avec appui maximum sur le flotteur, le kayak n'est pas redressé.
Il est 17h15. Nous décidons d'arrêter là pour aujourd'hui.
Nous faisons un débrief sur la plage.
Le bilan est positif, beaucoup ont trouvé des sensations nouvelles.
Les sourires sont toujours sur les visages, et le groupe demande à poursuivre l'expérience rapidement.
Nous verrons s'il est possible de réitérer samedi prochain.
C'est la première fois à ma connaissance que nous proposons à des nouveaux venus au club, sans expérience du kayak de mer, de découvrir le roll si tôt dans la saison (après 2 sorties en kayak !)
Cela semble être une expérience très concluante, puisque personne n'en sort dégouté ! et il y a une demande pour continuer.
Un grand merci à tous les participants, qui ont été très attentifs et qui étaient très motivés pour réaliser les exercices proposés.
Un grand merci à Jean, qui m'a beaucoup aidé dans les démonstrations et le coaching.
Merci à Hugues et à Aurélien, qui nous ont fait confiance.
Une expérience à renouveler ... très vite.
Car nous sommes loin d'avoir tout vu ... et le roll est un long chemin.
Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit.
Et comme disait Nelson Mandela :
"Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends."
Persévérez, apprenez ... et vous gagnerez !
Vive le kayak !