Les 12 îles de la rade de Brest
Les 12 îles de la rade de Brest
Dimanche 12 février 2017:
En ce dimanche glacial, Jean-François nous a proposé de naviguer vers les 12 îles de la rade de Brest.
Le rendez-vous est fixé à 7h30, près de la cale du restaurant l'Ermitage, avant le pont de Térénez.
Nous sommes 8 à avoir répondu à la proposition de Jef : Martine, Christian, Hervé, Bruno, Jean, Didier, Jean-Yves et votre serviteur (Pascal).
Le projet initial de Jef prévoyait de faire une boucle et de revenir à notre point de départ.
Le BMS (Bulletin Météo Spécial) no 40 de Météo France annonçant un "avis de grand frais", nous revoyons nos ambitions à la baisse et décidons une arrivée à la cale de Rostellec, au sud-ouest de l'Ile Longue.
Les six conducteurs envoient donc 5 véhicules à Rostellec, et Didier ramène le groupe dans son camping-car.
Les relevés météo de la journée nous donneront raison, puisque le vent de nord-est va atteindre force 6, avec des rafales à plus de 36 noeuds.
Heureusement, sur la majorité du parcours, nous l'auront dans le dos.
La navigation se fait aussi en utilisant les courants de marée.
Nous embarquons vers 9h20, pour une navigation "one way" sur une distance de 20,5 milles.
Nous débarquerons à Rostellec à 14h30, après environ 5 heures de pagaie.
La vitesse moyenne est de 3,8 noeuds, la vitesse maxi atteinte par mon kayak sera de 6,5 noeuds (et Hervé a sûrement explosé cette statistique !)
Pendant que nos conducteurs réalisent la navette, Martine, Hervé et moi assistons au coucher de la Lune à partir de la terrasse du restaurant l'Ermitage.
Les statues du lieu renvoient une ambiance particulière à ce moment.
Nous commençons à descendre les kayaks vers la berge.
Il fait froid, avec le vent, la température ressentie est négative.
J'apprécie la combi sèche !
Pour la première fois, je teste des manchons sur ma pagaie groenlandaise.
L'expérience va s'avérer concluante, je garde les mains au chaud, la poche d'air créée se révélant être un excellent isolant.
Le seul bémol : quand je sors les mains pour prendre des photos, le phénomène d'onglée peut arriver vite. A certains moments dans la journée, quand le vent froid va souffler très fort, j'ai du mal à actionner le zoom de mon appareil photo.
La première île que nous aborderons est l'île de Térénez.
Cette île est située sur la commune de Rosnoën, elle est couverte de forêt.
Comme la plupart des îles que nous allons visiter, elle est accessible à marée basse à pied sec.
En face de l'île de Térénez, dans le dernier méandre de l'Aulne, se trouve le cimetière des navires de la Marine Nationale.
Ici les fonds sont à plus de 10 mètres, quelque soit la marée.
Les navires, après avoir été désarmés en Penfeld ou en base navale à Brest, sont acheminés ici avant d'être remorqués vers un chantier de démolition.
Les coques du Duguay-Trouin (frégate anti sous-marine), de l'Aconit (frégate) et de l'Albatros (patrouilleur austral) dorment actuellement dans ce cimetière.
Nous remontons vers le nord-est, sur un plan d'eau encore protégé.
Dans le ciel, le soleil a du mal à percer les nuages.
A bâbord, nous apercevons l'abbaye Saint Guénolé de Landévennec, construite dans les années 50, et qui abrite une vingtaine de frères.
Nous nous dirigeons vers l'île d'Arun, en naviguant face au vent.
L'île d'Arun se situe sur la commune de Rosnoën.
Elle fut un ancien magasin de poudre construit en 1692 pour compléter le dispositif militaire de Vauban.
Elle abrite des bâtiments servant au séchage et au stockage de la poudre fabriquée à Pont-de-Buis.
Petit à petit, la poudrière devient obsolète et insuffisante en capacité, elle est vendue aux enchères en 1927 et est tombé dans le domaine privé.
Nous mettons cap au nord vers l'île de Tibidy.
L'ile de Tibidy est une presqu'ile située sur la commune de l'Hôpital-Camfrout.
Elle appartenait au début du siècle à la famille Bolloré (papeteries OCB).
Elle fut rachetée en 1936 par la paroisse Saint-Louis de Brest qui y installa une école mixte, ce qui était rare à l'époque. Cette école fonctionnait en pensionnat.
Dans les années 60, une passerelle longeait la rive pour atteindre le petit port naturel situé sur le flanc Est de l'île.
Dans les années 1980-2000, l'île servait de centre de vacances l'été.
Elle accueille aujourd'hui un manoir privé.
Nous poursuivons vers le nord-ouest, vers l'île Grise, en longeant la côte de Logonna-Daoulas.
La navigation est aisée, le vent forcissant nous porte.
Nous passons devant l'île Grise, simple caillou posé sur l'eau à marée haute...
Nous découvrons ensuite la grande île et la petite île du Bindy, séparées par un double tombolo, ces langues de terre qui s’installent naturellement entre une île et la côte.
Nous contournons la pointe du Bindy et faisons une courte pause.
Jef propose de mettre aux voix la remontée vers l'île de la pointe du Château, contre le vent, et avec un courant contre nous (coefficient 100).
Nous sommes tous d'accord pour faire ce détour, en tirant ou poussant plus fort sur nos pagaies.
Hervé accoste le premier, à l'abri de l'île.
Nous mettons cap à l'ouest et traversons la baie de Daoulas.
Le vent, au portant, forcit encore et nous partons régulièrement dans des petits surfs grisants.
Face à la pointe de l'Armorique, avant l'île Ronde, nous passons devant 2 Ducs d'Albe.
Un Duc d'Albe est le nom générique d'un pilier de bois, de métal ou autre enfoncé dans le fond de la mer ou d'un fleuve contre lequel un navire peut accoster.
La dénomination de Duc d'Albe serait due à une pratique utilisée par Fernando Alvarez de Tolède, duc d'Albe, général espagnol sous Charles Quint et Philippe II.
Les 2 Ducs d'Albe situés ici ont été construits par l'Organisation Todt sur des structures métalliques plantées dans le fond, ceinturées de béton armé et remplies de sable.
Ils sont distants d'une cinquantaine de mètres l'un de l'autre. Ce sont des parallélépipèdes d'environ une vingtaine de mètres d'arête, dont la partie supérieure est recouverte de nombreuses bittes d'amarrage métalliques rouillées. De nombreux oiseaux y nichent.
Brest était l'un des seuls ports français occupés bénéficiant d'importantes infrastructures navales et militaires, ce qui en faisait un refuge idéal pour les grandes unités de la Kriegsmarine.
La construction des 2 Ducs d'Albe fût prise en charge par l'Organisation Todt et se termina dès mai 1941, en vue d'accueillir spécifiquement le puissant cuirassé Bismarck.
Malheureusement pour les allemands, celui-ci fût envoyé par le fond par la Royal Navy le 27 mai de la même année au cours d'une course poursuite épique, alors qu'il tentait de rallier Brest.
Les structures furent toutefois utilisées pour le croiseur lourd Prinz Eugen, juste avant sa fuite vers la Norvège en février 1942 (opération Cerberus), puis par le porte avion Arromanches de la Royale dans les années 50.
Elles font maintenant partie du domaine maritime publique et ne sont désormais plus utilisées, sauf ponctuellement comme balise lors de régates.
Passé les Ducs d'Albe, nous arrivons devant l'île Ronde.
Celle-ci est située sur la commune de Plougastel-Daoulas.
Nous mettons le cap vers l'île Longue, dans une mer de plus en plus hachée.
Des déferlantes apparaissent ici où là, sans prévenir. Nous devons être vigilants.
L'île Longue est en réalité une presqu'île qui sert de base sous-marine à la Marine nationale pour ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engins.
Une zone maritime de 300 mètres est délimitée par des marques spéciales (bouées jaunes surmontées d'une croix de Saint-André) autour de l'île.
Cette zone est strictement interdite d'accès, et nous prenons garde de ne pas y pénétrer, sous peine de voir une embarcation militaire venir à notre rencontre.
Après avoir longé l'île Longue, nous venons nous abriter au sud de l'île de Trébéron.
A l'ouest de Trébéron se situe l'île des Morts.
L'histoire de ces deux îles est étroitement liée à l'histoire de Brest.
À la fin du XVIIe siècle, l'activité maritime de Brest s'intensifie, ce qui engendre des problèmes d'épidémies.
L'île de Trébéron est alors désignée comme zone de quarantaine. Les navires contagieux sont alors dirigés vers l'île.
Au XVIIIe siècle, un lazaret y est construit et l'île est aménagée (plantation d'arbres) au fil des ans.
Quand à l'île des Morts, elle sert de sépulture jusqu'en 1808 ; année au cours de laquelle débute la construction d'une poudrière.
Suite aux changements de statut de l'île des Morts, un cimetière est construit sur la pointe nord de Trébéron.
Au début du XXe siècle, le lazaret est transformé en sanatorium.
De nombreux marins et ouvriers de Brest y sont envoyés en cure.
Durant la Première Guerre mondiale, l'île sert de centre de repos pour les soldats en convalescence.
Actuellement, les îles sont interdites au public car elles font parties du domaine de sécurité de l'île Longue.
Elles sont devenues le domaine de nombreux oiseaux.
Nous faisons le tour de l'île des Morts.
Au sud nous apercevons l'île du Renard.
Nous tirons un dernier bord vers la cale de Rostellec, par vent de travers, force 5 à 6.
Il est important de bien maintenir le cap, au nord de la cale, pour ne pas être déporté en fond de baie.
A bâbord se trouve l'île Perdue, un caillou qui découvre à marée basse.
Nous accostons à 14h30, après un peu plus de 5 heures de navigation non stop.
Le thé chaud est le bienvenu.
Certains, à cause du froid, ne pourront se le servir eux-mêmes.
Nous récupérons nos voitures et chargeons notre matériel.
Il commence à pleuvoir.
Nous allons à la recherche d'un café, mais nous sommes dimanche, et notre tentative est veine.
Nous nous réfugions dans un abri-bus à Tal Ar Groas, afin de nous restaurer.
Nous nous séparons après le repas, chacun vers sa destination d'origine : Brest, Saint-Nazaire, Golfe du Morbihan, Côtes d'Armor, Guiler-sur-Goyen, Fouesnant.
Merci Jef, pour cette proposition.
Nous avons fait une belle rando, dans des conditions difficiles, avec une super équipe :
froid (températures ressenties négatives), vent (rafales à 37 noeuds), marée (coefficient 100), mer peu agitée à agitée.
Ce fut physique, mais cela valait le coup.
La bonne préparation de la navigation et le parcours raccourci ont permis de réaliser cette balade, malgré le BMS annoncé.
Une leçon à retenir : il est indispensable d'être bien équipé, en fonction des conditions météo.
Heureusement, nous l'étions !
Vive le kayak !