BMRA : balade irlandaise - Chapitre 10 - Inishbofin, Inishshark, la magie des îles

BMRA : balade irlandaise - Chapitre 10 - Inishbofin, Inishshark, la magie des îles

Samedi 1er juin 2024

Les photos non signées Pascal J Yanike kayak sont de Jean Drouglazet

Au réveil, un visiteur nous observe attentivement.

Le soleil est bien présent, le paysage est superbe, la journée s'annonce belle ...

Dans le port, un curragh, l’embarcation irlandaise par excellence.
Ils étaient conçus sur une structure d’osier et de saule, le tout recouvert de peaux de bœuf.
Ce canot léger est dépourvu de quille. La peau est de plus en plus remplacée par de la toile goudronnée, mais la structure interne en bois reste inchangée. Son utilisation est limitée à la pêche côtière et au transport entre les îles de l’Ouest du pays.

Nous rangeons notre matériel et partons pour un tour de l'île, il est 11h00.
En sortant du port, l'église Saint Colman, en hommage au saint qui fonda un monastère sur cette île en 668.

Nous retrouvons les ruines, dont celles de la caserne de Cromwell, construite en 1652 à l’entrée du port. Pendant les années terribles de ses campagnes, Inishbofin a été transformé en colonie pénitentiaire pour les religieux catholiques, et de terribles atrocités ont été infligées aux insulaires et aux malheureux ecclésiastiques qu’il a rassemblés.

Nous partons vers l'Est pour faire le tour de l'île.
La côte est splendide : falaises, failles, chaos rocheux, champs d'algues, plages ...

Nous contournons Inishlyon par le sud, puis naviguons vers la côte nord d'Inishbofin.

Nous longeons la côte nord d'Est en Ouest.
L'île est encore dénuée d’arbres. A l'époque de Cromwell, tous les arbres furent abattus pour les utiliser comme matériaux de construction et comme combustible. Cependant, à cause de l’air enrichi en sel, les arbres n’ont jamais pu se rétablir.
Sur cette côte, nous sommes plus exposés à la houle de l'Atlantique.

Au nord-ouest, nous trouvons une plage de galets au fond d'une baie pour pique-niquer à l'abri.

Nous repartons, la mer est de plus en plus creusée, avec des vagues pyramidales.
Afin d'éviter la pointe nord-ouest très exposée, nous décidons de passer dans les Stags, une zone rocheuse non encore totalement recouverte par la marée.
En s'approchant des Stags, la mer est moins formée, et nous avons assez d'eau pour passer sur une zone de roches.
Cependant, au-delà, nous devons franchir une barre de vagues déferlantes, dont la hauteur augmente avec la marée montante.
Eric s'engage en premier, et passe la barre de vagues.
En seconde position, je me retrouve soudain face à une montagne d'eau qui déferle devant moi.
A bâbord, à tribord et derrière moi ... des roches.
Je perds l'équilibre, et je dessale. Je tente un esquimautage, sans succès, puis un deuxième, mais une vague me plaque au fond.
Il me faut de l'air, je déjupe, et me fait engloutir à nouveau sous une autre déferlante.
Il faut absolument que je tienne mon kayak perpendiculaire aux vagues, afin qu'il ne parte pas en surf avec une vague qui pourrait le faire exploser sur les rochers environnants. Je maintiens le kayak renversé pour faire ancre flottante.
Plusieurs vagues me submergent et me poussent vers les rochers.
Sous la violence de l'une d'entre elles, le mousqueton qui tenait ma vache à eau dans mon hiloire a cassé, et je vois celle-ci flotter à quelques mètres.
Marie, qui était derrière moi, passe aussi à l'eau.
Eric, qui a vu la séquence, a fait demi-tour et me tire dans une zone plus calme avec son bout de remorquage. Il m'aide ensuite à remonter dans mon kayak, puis va récupérer Marie qui, entre-temps, a trouvé une zone plus sécurisée.
Eric et Marie franchissent les vagues avec succès, pour rejoindre Jean-Jacques et Jean, qui, eux aussi sont passés sans encombre.
Je vide l'eau de mon hiloire, je remets ma jupe puis je pagaie vers les barres de vagues, dont la hauteur a encore augmentée.
J'aperçois ma vache à eau, coincée dans les rochers.
Je ne peux m'y approcher en kayak. Je sors donc de celui-ci, puis je marche en tirant mon kayak, ou en nageant dans les trous d'eau. Je récupère la vache à eau.
Je remonte dans mon kayak, mets ma jupe et pagaie pour affronter les vagues déferlantes.
Cette fois-ci, ça passe. Je retrouve mes compagnons de route, soulagé.
La descente vers le sud, sur la côte ouest d'Inishbofin, se fait dans une mer houleuse, avec de longs surfs.
Nous poursuivons sur la côte Est d'Inishshark où nous trouvons une mer plus plate.
Nous débarquons sur la cale au sud-est de l'île vers 17h30.

Inishshark, les seuls habitants que nous croisons sont des moutons.
Nous nous promenons dans un village en ruines.

Des commodités modernes telles que l'électricité, l'eau courante et les lignes téléphoniques qui étaient caractéristiques du développement post-guerre mondiale à travers l'Irlande ne sont jamais arrivées sur cette île.
La communauté de pêcheurs et d’agriculteurs de l’île, qui a atteint une population d’environ 300 habitants au XIXe siècle, avait diminué à une poignée de résidents dans les années 1950.
L'accès à la nourriture, aux médicaments et à d'autres dispositions est imprévisible. Les tempêtes pouvaient rendre l'île complètement isolée pendant des jours, voire des semaines, et les jeunes ont déménagé dans l'espoir de trouver du travail ailleurs.
Ses rameurs étaient considérés comme les meilleurs d'Irlande, mais l'île a connu de nombreuses tragédies de pêche au fil des ans. Contrairement à Inishboffin voisin qui a un superbe port, la jetée d'Inishshark est située dans un endroit dangereux avec des courants vicieux.
La mort d'un jeune homme à cause de l'appendicite a été le catalyseur et les insulaires ont demandé au gouvernement de les enlever de l'île.
Les 24 derniers habitants de l'île sont partis en octobre 1960.
La vidéo ci-dessous raconte cette histoire.

L'église Saint-Léo du XIXe siècle serait construite sur le site d'un ancien monastère.
Nous y trouvons même une petite crèche.

C'est un sentiment très étrange que de marcher parmi les maisons où des voisins ont plaisanté et où les enfants ont joué.
La plupart des toits ont disparus, mais ces maisons ont été fortement construites et ont résisté aux assauts du temps et de l'Atlantique.

Sur les hauteurs, nous admirons un magnifique panorama.

Après le repas, chacun trouve un endroit dans ce village hors du temps pour installer sa tente.
Nous sommes seuls ...

Nous avons parcouru 11,3 milles nautiques.

Nous avons encore vécu une journée extraordinaire.
Quels somptueux paysages, quelles ambiances !
Bien sûr, le passage des Stags fut délicat, heureusement que nous avons une expérience de la navigation en kayak de mer !
Le dessalage en kayak, cela peut toujours arriver. Le positif, c'est que, à aucun moment, il n'y a eu panique; nous avons plutôt bien géré cette expérience de navigation, dans des conditions difficiles, et je remercie Eric pour son aide. La solidarité, c'est important chez les kayakistes !

A suivre ...