La rivière de Crac'h : quiétude et dépaysement

La rivière de Crac'h : quiétude et dépaysement

Vendredi 12 novembre 2021

Les photos non signées Pascal J - Yanike Kayak sont de Jean Drouglazet.

Ce vendredi, je propose une randonnée en kayak sur la rivière de Crac'h, au départ du port de la Trinité-sur-Mer.
Joël, Jérôme, Christine, Paul, Maurice, Jean, Eric et Jean-Jacques ont répondu à mon invitation.
J'avais prévu un départ de la cale près de la capitainerie, mais celle-ci est petite et très en pente, et surtout le parking le plus proche nécessite un badge.
Le capitaine du port nous propose d'embarquer sur la cale de la Société Nautique (SNT).
Nous demandons l'autorisation à l'accueil de la SNT, qui nous l'accorde et nous précise que nous pouvons garer nos véhicules sur les emplacements d'arrêt minute à proximité. "hors saison, il n'y a pas de verbalisation !", nous précise-t-on.
Une fois notre matériel débarqué sur la cale, et à quelques minutes du départ, un échange avec un policier municipal nous fait comprendre qu'il ne faut pas laisser nos véhicules sur ces emplacements; celui-ci nous indique un parking gratuit au-dessus de la SNT.

Nous embarquons vers 10h00. La marée est haute à 11h42, le courant va nous porter pour remonter la rivière.

Le port de La Trinité-sur-Mer peut accueillir plus de 2 000 bateaux de plaisance et les plus grands voiliers de course.
Tous ne sont pas sur la Trans Jacques Vabre actuellement.
Nous admirons le trimaran Ultime "Use It Again", c'est un bateau de légende.
En effet, construit en 2003 en Australie, c'est l'ancien bateau d'Ellen Mac Arthur, avec lequel la navigatrice a battu le record du tour du monde en solitaire en 2005.
Abandonné entre 2011 et 2016 sur un quai à Brest, il a été rénové par Romain Pilliard, avec le souci du choix des matériaux, de la transformation ou du recyclage du matériel obsolète. 
L’objectif a été de réutiliser un maximum de pièces existantes, d’en trouver d’autres d’occasion à transformer pour les adapter à ce bateau, et de trouver des solutions pour recycler celles qu’on ne pouvait plus utiliser.

Nous voici maintenant devant le plus grand trimaran de course océanique du monde, 40 mètres de long et 23 de large.
L'ex Spindrift 2 de Dona Bertarelli et Yann Guichard a été rebaptisé Sails of Change, leur nouvelle plateforme dédiée à la protection de l’environnement.
L’objectif, inscrit sur les flotteurs du trimaran #30x30, l’appelle à protéger au moins 30 % de notre planète d’ici 2030.
Construit en 2007 à Lorient, sous le nom de Banque Populaire V, ce voilier avait battu en 2012 le record du tour du monde en équipage (le trophée Jules Verne) avec Loïck Peyron.
C’est ce record, battu depuis par Francis Joyon et son équipage en 2017, que l’équipe de Dona Bertarelli et Yann Guichard tentent de décrocher depuis plus de trois ans.

Nous quittons le port de plaisance et passons sous le pont de Kerisper qui relie La Trinité-sur-Mer à Saint-Philibert.
Avant son édification, on se rendait d'une rive à l'autre grâce à un bac charretier.
Un premier pont avait été construit en 1899 et terminé en 1901. Il fut détruit le 8 août 1944 par les soldats allemands. Un bac est alors mis en service dès 1945 pour assurer la traversée entre les deux rives.
Le second pont est construit entre 1956 et 1958. Le tablier de l’ouvrage actuel, 203 mètres de long, repose sur un arc d’une portée de 86 mètres.

Une fois le pont de Kerisper passé, l'agitation du port de La Trinité sur Mer laisse place à la quiétude de la rivière.
Nous entrons dans un univers façonné par l'activité ostréicole :
terre-plein, ca­le, rampe ou escalier d’accès à l’estran, bassin ou réservoir (submersible ou insubmersible), parc de culture, atelier de travail, lieu de stockage, habitation de garde ou de concessionnaire ostréicole.

Sur la rive droite, dans l'anse de Kervilor, nous apercevons un cimetière marin.

Sur un terre-plein sont stockées de tuiles.
"Les ostréiculteurs captent les larves après la ponte à l’aide de tuiles romaines chaulées ( la technique du chaulage permit aux ostréiculteurs de détacher les jeunes huîtres sans risquer de les détruire).
Ces larves ne peuvent nager que verticalement et sont donc dispersées par les courants. Après 3 semaines de vie planctonique, elles vont chercher à se fixer sur un support et devenir des « huîtres vraies » d'un point de vue morphologique.
À ce stade, elles sont dénommées naissain.
Après 18 mois, les ostréiculteurs retirent les jeunes huîtres de ces supports et les transportent dans leurs bateaux à fond plat appelés "plates" jusqu’aux parcs d’élevage où elles sont déposées à plat ou en poche selon la méthode d'élevage." (source Wikipedia)

Une porte en bois sur une digue gère l'accès à des bassins ostréicoles.

La navigation est paisible.
Certaines propriétés sont joliment rénovées.

Nous arrivons au niveau de l'étang du Moulin du Lac, sur la rive droite, séparé de la rivière par une digue.
L'ancien moulin à marée est devenue une propriété privée.

Les entreprises ostréicoles se succèdent.
Sur les terre-pleins ou, à proximité, sur le domaine terrestre ont été édifiés des bâtis qui permettent de travailler à l’abri des intempéries et de stocker du matériel mais aussi, parfois, de loger un gardien ou le concessionnaire du chantier ostréicole.
Les cabanes, ateliers et lieux de stockage présentent une diversité de formes architecturales et de matériaux qui correspondent à des usages ainsi qu’à des époques de construction différents.

Plus nous remontons la rivière, et plus l'habitat se fait rare.
Les arbres se couvrent des couleurs de l'automne.
La rivière se dévoile avec un paysage changeant derrière chaque lacet : manoir à demi dissimulé, cale paisible, baie silencieuse ...
Et une étrange mâture en bord de rivière, mais quelle est donc sa fonction ? Probablement un mât scout, qui permet de hisser fièrement les couleurs de la troupe ou de la patrouille (merci Paul pour l'info).

Nous arrivons à une bifurcation mystérieuse sur laquelle un calvaire semble veiller avec gravité à ce que l’on ne dérange pas les nombreux oiseaux...
Au loin, blotti au milieu d'un vaste espace boisé, nous apercevons le château de Kervihan.

Nous nous engageons à gauche sur le bras de rivière qui nous mène au ruisseau de Gouyanzeur.

Nous avons juste assez d'eau pour accéder au moulin de Kerguoc'h.
Le moulin se situe entre l'embouchure du ruisseau du Gouzouanyeur et la rivière de Crach.
Le positionnement même du bâtiment est assez atypique puisqu'il n'est pas situé sur sa digue mais sur la berge. Mais cette implantation lui offre une plus grande profondeur de vue sur la rivière de Crach, ce que ne lui aurait pas permis un positionnement sur la digue. Les roues ne peuvent donc que se situer sur la façade Est du bâtiment.
Elles étaient au nombre de trois et fonctionnaient séparément.
La roue visible aujourd'hui est factice.
La porte mer est elle aussi encore présente mais condamnée, probablement pour maintenir l'étang rempli.
L'activité a cessé avec le dernier meunier M. Bouilly en 1965, ce qui en fait un des derniers moulins à marée à fonctionner dans le Morbihan.

Je monte sur la digue qui sépare la rivière de l'étang. D'ici, le point de vue est superbe.

Nous faisons demi-tour. Sur la rive droite, nous apercevons une terrasse en bois équipée de son mobilier, endroit idéal pour un apéro ou un repas en pleine nature ...

Au niveau du calvaire de Kervihan, nous prenons le bras de rivière vers le ruisseau de Pont Er Rui.

Nous arrivons devant une digue d'environ 250 mètres.
Ici se tenait le moulin de Becquerel, dont le bâtiment s'est écroulé en 1965.
Il ne reste que les fondations. Les vannes de la double porte mer fonctionnent encore.

La pluie fait son apparition.
Nous redescendons la rivière, en appréciant un autre point de vue.

Nous faisons une halte sur la rive gauche, au sud de la baie de Saint-Jean, pour pique-niquer.
Nous hissons les kayaks sur le terre-plein.
La vue sur la baie est superbe.

Jean a eu la bonne idée de prendre deux douzaines d'huitres chez un ostréiculteur.
Il nous propose une dégustation. Elles sont délicieuses, on se régale !
 

A proximité se trouve le dolmen de Kerourang, datant du néolithique.
 

Après ce sympathique repas, nous ré-embarquons...

... et poursuivons notre descente vers la mer.

Les huitres étaient tellement bonnes que Jean et moi voulons en faire profiter nos épouses. Nous nous arrêtons donc pour en acheter quelques douzaines.
Nos amis nous attendent près du bateau "Le Lac", amarré au milieu de la rivière et chargé d'huitres.

Nous repartons dans ce dédale de sites ostréicoles ...

La rivière s'élargit, nous arrivons devant l'île Cuhan.
En 1927, elle avait été achetée par un ostréiculteur.
En 2018, elle était en vente pour la coquette somme de 3 700 000 euros. A ce prix-là, vous avez aussi un ponton, une plage privée et un hangar à bateau.

Sur la rive gauche, le chantier naval de Kervilor.

.. et devant nous le pont de Kérisper.

Nous longeons la rive gauche jusqu'à la pointe de Kernevest.

puis nous traversons jusqu'à la pointe de Kerbihan.
Nous y apercevons un bâtiment en pierre et un blockhaus.
Le Ty-Guard est un ancien corps de garde dont la construction est due au Duc d'Aiguillon, commandant en chef en Bretagne de 1753 à 1768.
Ce poste de garde avancé a longtemps servi aux Gabelous (ce terme est synonyme de douanier sous l'ancien régime; le douanier était chargé de collecter l'impôt sur le sel, la gabelle)
De ce poste, les douaniers pouvaient surveiller les entrées de navires et les marais salants de Kervillen.
Le corps de garde et le bunker sont aujourd'hui propriété privée.

Nous remontons la rivière par la rive droite ...

... et revenons au port de la Trinité-sur-Mer.

Nous débarquons sur la cale de la SNT, sous le soleil.
Nous avons parcouru 10,94 milles nautiques.

Ci-dessous la vidéo de Joël qui retrace cette journée.

Ainsi se termine cette belle balade .
La rivière nous a livré quelques secrets, et nous avons pu admirer ... et déguster !
Il y a encore de nombreux points d'intérêts à découvrir, en prenant le temps de débarquer et de marcher un peu. Ce sera pour une autre fois.
Merci à tous les participants pour la belle ambiance, et mention spéciale à Jean pour la dégustation des huitres.

Vive le kayak !