Corsica 2021, la beauté, essentielle, de la nature - Chapitre 18 : les îles Sanguinaires, Capo di Feno
Corsica 2021, la beauté, essentielle, de la nature - Chapitre 18 : les îles Sanguinaires, Capo di Feno
Mardi 15 juin 2021
Texte et photos de Jean-Jacques Pierre
Aujourd'hui, 15 juin, est un grand jour : c'est l'anniversaire de Jean-Jacques.
A ce propos, il nous a fait une demande particulière, je le laisse raconter ...
"Lors de notre journée de transfert de Bonifacio à Ajaccio, j’avais proposé à Pascal, Jean et Jean-Yves de consacrer le Mardi 15 Juin (jour de mon anniversaire), à une navigation dans l’Archipel des Sanguinaires et ce bien sûr en fonction des conditions météo. Comme cadeau d’anniversaire, je trouvais cela assez sympa et symbolique.
Îles Sanguinaires, ce nom frappe notre imaginaire, à ce sujet plusieurs hypothèses sont avancées sans que les historiens eux-mêmes ne puissent s’accorder.
1ère : Ces îles étant composées de 4 îlots de porphyre d’un rouge sombre, ce nom proviendrait de la couleur que prendraient les îles au soleil couchant, c’est l’explication préférée des Ajacciens et qu’ils donneraient aux touristes.
2ème : Ce nom aurait été donné par la présence des frankénies (Frankenia laevis), petites plantes à fleurs roses dont les feuilles virent au rouge vif en automne, ou aux fleurs roses des nivéoles. Mais il semblerait que ce soit aussi une explication avancée pour séduire les voyageurs.
3ème : En 1806 fut construit un Lazaret, établissement où étaient placé en isolement sanitaire les pêcheurs de corail qui revenaient d’Afrique du nord. Ces pêcheurs étaient surnommés les « i sanguinari » ou « les gens au sang noir ».
4ème : L’hypothèse qui semble rallier la majorité des historiens proviendrait d’une carte de 1595 où l’archipel, qui délimite la frontière entre le golfe de Sagone et celui d’Ajaccio, est nommé « Sagonares insulae » soit « les iles qui annoncent Sagone »
Mais le mystère reste entier, car on a retrouvé sur une carte datée de 1567 de Leandro Alberti et 2 autres cartes d’Abraham Ortelius datées de 1573 et 1584, le nom de « Sangianare isole ».
Pour ma part, bien que magnifiquement sauvages, j’ai trouvé que la roche de ces îles avait une teinte ocre rouge beaucoup moins prononcée que d’autres lieux emblématiques de la côte ouest.
Mardi, comme depuis le début de notre séjour, la nature est de notre côté et nous offre une journée ensoleillée, quasiment sans vent.
Vers 7h30, nous quittons le camping pour la pointe du Parata, nous ferons notre mise à l’eau près de la Maison du grand site de France.
Après une mise à l'eau à 8h30, nous longeons la côte jusqu'à la pointe de Parata, puis naviguons vers l'Archipel d'une superficie de 405 ha, en contournant par l'Est l'île de Porri (31 m de haut), un petit rocher nu U Sbiru (13 m), et les îles d'Isolotto et de Cala d'Alga (30 m).
Site Natura 2000 : caractéristiques par leur aspect austère et hostile, les quatre îlots sont un site maritime classé, havre de paix pour des espèces d'oiseaux marins comme le goéland leucophée et le puffin, ainsi qu'une réserve naturelle pour une flore riche d'espèces rares et endémiques.
Il est rare de trouver une telle diversité sur une surface aussi petite : plus de 150 espèces poussent sur Mezu Mare (La grande Sanguinaire). Les îles hébergent certaines plantes rares ou même absentes du reste de la Corse, parmi lesquelles le spectaculaire arum mange mouche. La végétation arborescente, dominée par le lentisque, est basse et adaptée à la proximité de la mer.
Parmi de nombreuses espèces halophiles, la plus répandue est le poireau sauvage, qui a donné son nom à l’île d'i Porri.
A 9h15, après 45mn de navigation sur une mer paisible et sans vent, nous arrivons à proximité du débarcadère de la Grande Sanguinaire (Mezu Mare), après s’être renseigné auprès de plongeurs en zodiac, nous décidons de débarquer dans la petite crique à gauche du quai. Nous sommes seuls (*) sur la grande Sanguinaire et nous pouvons en toute sérénité contempler ces paysages sauvages et sublimes. Jean-Yves qui dans un premier temps était parti naviguer jusqu’à la pointe de la grande île, nous rejoindra un peu après.
(*) seuls pas vraiment car des centaines de goélands nous survolent ou sont posés sur les murs en pierre. Les jeunes issus des couvaisons de cette année sont au sol, souvent sur l’allée que nous empruntons, ce qui amène les parents à faire des piqués au raz de nos tête afin de nous chasser. J’avoue que c’est assez impressionnant de les « sentir » à moins de 50 cm de sa tête. Nous faisons au mieux pour ne pas les effrayer et leur laisser le terrain libre.
Via de belles allées pavées, nous longeons les ruines du Lazaret, servant aujourd’hui de refuges et nichoirs à la multitude d’oiseaux marins. Puis nous prenons à gauche et montons jusqu’au Sémaphore de Mezzu Mare, d’où nous avons une vue splendide à 360°. Le sémaphore, implanté sur le piton central, est mis en service en 1865 et désarmé en 1955.
Après « quelques » photos et bien que nous ayons du mal à quitter ce spectacle, nous décidons de poursuivre jusqu’au phare en empruntant la belle allée pavée de belles pierres ocre qui relie les 2 points culminants. Cette allée semble être le terrain de jeu préféré des jeunes goélands qui par dizaine s’y promènent sous la surveillance des adultes. Adultes dont certains bienveillants nous laissent passer en nous surveillant du coin de l’œil, tandis que d’autres plus inquiets nous survolent en protestant bruyamment.
Comme pour le sémaphore, nous sommes subjugués par la vue que nous avons du Phare. Celui-ci date de 1870, bâti sur l’emplacement d’une ancienne tour génoise (xvie siècle), il est le point culminant de la Grande Sanguinaire et culmine à plus de 80m au-dessus du niveau de la mer.
De nombreux récits de voyageurs, dont l’un des plus célèbres est celui d'Alphonse Daudet dans les "Lettres de mon moulin" et intitulé "Le Phare des Sanguinaires", évoquent des traces de vie dans ces îles farouches.
Ce n’est qu’à notre retour, en faisant des recherches sur ces îles que nous mesurons pleinement la chance que nous avons eu en nous retrouvant seul sur ces lieux sauvages et préservés. Il aurait pu en être autrement car en 1959, les îles sont vendues à une société immobilière qui envisageait de lotir les îlots et d'installer un téléphérique de la Pointe de la Parata à la Grande Sanguinaire. Heureusement, le projet ne se réalisa pas, et le Conseil départemental de la Corse-du-Sud a ensuite acquis l'intégralité du site.
Nous avons vraiment du mal à quitter ses lieux, mais après 1h passée à terre, nous reprenons notre navigation et contournant la Grande Sanguinaire par le sud-ouest. Jean et Jean-Yves qui ont eu l’occasion de naviguer en 2017 aux Sanguinaires par une mer largement moins clémente avec d’autres membres du club de Plouhinec, se remémorent leurs souvenirs.
Bien que ce type de roches ne soient pas adaptées à la formation de grottes (*), Pascal arrive à en dénicher une suffisamment grande pour que nous puissions l’explorer à tour de rôle. Au fond le plafond de la grotte descend au raz de l’eau et ne nous permet pas d’en voir l’extrémité. Je rêve de finir l’exploration à la nage avec mon masque.
(*) Nous arrivons à la fin de nos 3 semaines en Corse et mesurons la chance extraordinaire que nous avons eu avec une météo et des conditions de mer idéales à l’exploration des multiples grottes, cavités, failles, … .
Nous doublons par l’ouest la pointe Parata, dont la tour génoise a été construite en 1608, il est 11h30 la mer est d’huile, le peu de brise est tombée et il fait très chaud. Nous passons la pointe de la Corba et recherchons un lieu propice à la baignade et à la pause de midi.
Nous trouvons une petite crique de galets et décidons d’aborder, seule ombre au tableau, de l’ombre il n’y n a malheureusement pas. On mesure ici la chance que nous avons concernant la météo, car la crique est jonchée de bois flotté, dont certaines pièces de bois doivent présenter un grand danger pour la navigation et témoignent de la violence de la mer en cas de mauvais temps. Bien que la température ambiante n’en donne vraiment pas envie, je me dis que nous avons là un beau stock de bois pour les soirées d’hiver (réflexe de Breton !).
Pascal, Jean et Jean-Yves en profitent pour se baigner, de mon côté je cherche vainement un coin d’ombre pour notre repas du midi. Finalement j’opte pour la construction, entre 2 rochers, d’un abri sommaire à partir de troncs et planches échoués sur la côte. J’apprécie de me mettre à l’ombre.
Jean de son côté furète à la recherche de pièces de bois flottés qui pourront compléter sa collection, son kayak va finir par ressembler à un radeau.
Nous restons presque 2h sur cette plage et juste avant de reprendre notre navigation, Pascal se rafraichit en faisant quelques rolls, j’immortalise ce moment en prenant quelques photos dont l’ossature de mon abri sert de cadre.
En longeant la côte, au plus près des cailloux, jouant à trouver des passages entre les rochers, nous arrivons à la plage de petit Capo, Jean et Jean-Yves y ont fait un bivouac lors de leur précédente navigation en Corse.
Il y a peu d’eau, celle-ci est limpide et d’un calme absolu, une vraie piscine, les couleurs sont magnifiques. Nous poursuivons jusqu’à la plage de Capo di Feno. Pascal et moi continuons un peu vers la pointe et finissons par faire ½ tour pour rejoindre Jean et Jean-Yves, restés plus au large.
Nous repassons au raz de la pointe de Parata et concluons cette magnifique journée en arrivant vers 16h à notre point de départ.
Cette avant dernière journée de navigation, est à la mesure de toutes celles que la Corse nous a offerte jusqu’à présent. Alliant beauté sauvage des paysages, une mer sublime pour la navigation découverte, des lieux chargés d’histoire, des conditions idéales, à savoir peu de monde du fait du contexte général. Nous mesurons la chance que nous avons eu de pouvoir venir avant l’arrivée massive des touristes, profitant ainsi de lieux sublimes en évitant le bruit désagréable des bateaux à moteurs, jet ski, … .
Et pour moi, quelle extraordinaire et peu banale journée d’anniversaire ! Une de celles dont on se souvient toute sa vie.
Après avoir remonté et chargé nos kayaks sur les voitures, nous rentrons au camping vers 17h, rinçons notre matériel, prenons une bonne douche et vaquons à nos activités chacun de notre côté, avant de nous retrouver pour le repas et décider du thème de notre navigation de demain qui sera la dernière de ce périple 2021."
Après ce récit de Jean-Jacques, je rajoute quelques bonus ...
Quelques photos de Jean :
Quelques-unes de mes photos :
Et, pour finir, un scoop :
Pour Jean, la recherche intensive de bois flotté a généré une excroissance de son membre viril !
Sur cette randonnée, nous avons parcouru 13,1 milles nautiques.
A suivre ...