L'Odet en hiver
L'Odet en hiver
Samedi 9 janvier 2021
Les photos non signées Pascal J - Yanike Kayak sont de Jean Drouglazet.
La météo annonce aujourd'hui un vent d'Est, force 5 cet après-midi.
Le soleil est bien présent, mais il fait froid, 2 degrés en milieu de matinée.
Afin de naviguer tranquille, je propose un départ de Bénodet, pour une navigation sur l'Odet.
Le rendez-vous est à 11 heures.
Jean-Yves, Annick, Paul, Jean, Joël, Lionel et Pierre ont répondu à mon invitation.
Chacun s'équipe chaudement, gants ou manchons sont de sortie.
Nous embarquons vers 11h30.
Ciel bleu sans nuages, plan d'eau calme ...
Pierre a sorti sa baïdarka, bateau typique des Aléoutiennes avec son étrave en deux parties et un arrière en tulipe.
La baïdarka illustre parfaitement le génie marin du peuple Inuit des îles Aléoutiennes. Extrêmement rapide, ce kayak peut atteindre une vitesse moyenne de 7 noeuds, soit près de 13 kilomètres-heure, à la seule force de la pagaie. Son étrave repose sur le même principe hydrodynamique que le bulbe dont sont dotés aujourd'hui les gros navires.
Nous passons devant le port de plaisance et arrivons rapidement sous le pont de Cornouaille.
Long de 620 m et haut de 70 m, ce pont relie Bénodet à Combrit Sainte-Marine le 15 mai 1972.
Un péage est mis en place (de l’ordre de quelques francs) ; il ne fut supprimé que fin 1987.
Au début du XIXe, un simple canot assure le transport des piétons, puis le bac « charretier » après 1817, jusqu’à son naufrage en 1902.
En 1911, le premier bac à vapeur transporte plusieurs véhicules grâce à un système de traction par chaînes mouillées.
Après plusieurs péripéties, dont un naufrage en 1929, et sa destruction par les Allemands en août 1944, l’ouverture du pont de Cornouaille sonne la fin du bac historique.
La marée haute est à 13h28, coef 62.
Le courant nous porte vers Quimper.
Il y a de nombreux bateaux au mouillage aux abords du pont.
La navigation est tranquille, nous sommes bien protégés du vent.
Sur la rive droite, nous apercevons le manoir de Kérouzien.
Ce manoir et son parc de 12 hectares, situés sur la commune de Plomelin, peuvent accueillir mariages, dîners, événements de famille ou séminaires.
Du château de Kerouzien, seule la légende d’un beau jeu subsiste.
La rumeur raconte que le propriétaire du Kerouzien, l’a perdu à un jeu de carte dans un salon parisien. Sans oublier qu’il avait déjà joué la main de sa fille avant son château !
Rive gauche, nous voici devant un ponton qui a une histoire bien particulière.
C'est celui qu'Eric Tabarly a fait construire ici pour amarrer son Pen Duick, son yacht de la fin du XIXe siècle, acheté par son père en 1938, rénové par Tabarly lui-même en 1958
Entre 1978 et 1979, le célèbre marin fit construire sa maison sur un terrain qui borde la rivière, sur la commune de Gouesnac'h.
Les pierres proviennent d’une bâtisse de Baud (56), sur les bords du Blavet, à 120 km de là. Xavier Joubert, le concepteur de Pen-Duick 6, se charge de numéroter et de les transporter.
Résultat : une façade de 37 mètres de granit, un toit de chaume, un escalier extérieur sans rampe, et un grenier de 30 m parce que, précise Xavier Joubert, « il avait un vieux mât à caser et qu’il ne voulait pas le faire coucher dehors… ». .
Rive gauche, une petite anse, non loin de l'ancienne chapelle de Sainte Barbe, et son rocher peint en blanc, qui sert d'amer.
Sur les 2 rives, nous observons des rochers peints en blanc.
Chaque saison, les rives boisées offrent un tableau coloré.
Après l'orange, le rouge, le jaune de l'automne, le brun prédomine en hiver.
En hiver, on entend aussi beaucoup plus le bruit de l'eau qui ruisselle en cascade, qui vient se déverser dans la rivière.
Nous arrivons en vue des Vire-court.
Les rayons du soleil sont bien agréables par ce temps froid.
Le lit de la rivière s'y referme fortement, et ce rétrécissement est suivi par des coudes très prononcés.
Au XVIIème siècle, une flotte espagnole remonta l'Odet, dans le but de s'emparer de la ville de Quimper.
Arrivés devant les coudes, ils eurent l'impression que la rivière s'arrêtait à cet endroit, puisqu'ils ne voyaient que les falaises surmontées des zones boisées des deux rives.
N'oublions pas que la navigation se faisait à la voile, et que les manoeuvres sur la rivière étaient délicates, surtout s'il fallait remonter contre le vent.
La flotte rebroussa chemin.
Depuis cet épisode, on nomme cet endroit les Vire-Court.
Un rocher est en à pic au-dessus de la rivière, c'est le rocher de la pucelle.
Ce nom a pour origine l'histoire suivante :
Une jeune paysanne gardait ses vaches de race « pie noire » sur la prairie en haut du moulin de Rossulien.
Un moine méditait sur le chemin qui descend au moulin quand il aperçut la jeune fille.
La paysanne était belle et fraiche. Son sang ne fit qu’un tour et oubliant ses vœux de chasteté, il se précipita sur la fille qui prit ses jambes à son cou et descendit vers la rivière sur l’étroit chemin.
Le moine, malgré sa panse proéminente et sa lourde bure marron, la poursuivit en soufflant.
Croyant pouvoir lui échapper elle tourna brusquement sur la droite après un gros arbre, ouvert de lierre avec de gros hortensias bleus à son pied. Elle s’aperçut très vite que le chemin s’arrêtait sur le rocher surplombant la falaise, la rivière tumultueuse coulant en bas.
Elle n’avait plus de moyen de s’échapper car le gros moine était planté au croisement et il savourait déjà sa victoire, la belle était prise au piège.
Plutôt que de perdre son honneur, elle préféra se jeter d’un rocher dans la rivière l’Odet.
Ne sachant pas nager, elle disparue emportée par le courant.
Voyant cela, le moine ne s’avouant pas vaincu, se jeta à son tour dans le vide.
Le bougre avait sous-estimé ses facultés mais également son embonpoint et la lourdeur de sa bure de laine qui lorsqu’il entra profondément sous l’eau se gonfla comme une éponge lestant encore son corps qui coula à pic.
Il ne réapparu pas en surface, seul le missel ou la bible qu’il avait mis dans la profonde poche sa bure flotta au gré du courant de la marée montante vers « Kemper ».
La bible que le moine avait rangée dans sa poche avant de sauter dans l’Odet fut retrouvée en amont de la rivière vers le port de Locmaria.
Nous arrivons devant la cale de Rossulien et le château de Kerambleiz.
Son nom signifie en breton "la maison du loup", il est de style néo-gothique, construit par Étienne Roussin, ingénieur des Arts et Manufactures, fils de Victor-Marie Roussin, peintre et châtelain de Keraval.
Étienne Roussin fit dessiner autour de son château un parc paysager romantique d'une superficie d'une vingtaine d'hectares dominant l'Odet, agrémenté d'un temple, d'un bassin, de rochers et desservi par un débarcadère.
Des traces d'occupation romaine du site furent découvertes lors de l'aménagement du parc.
Devenu maire de Plomelin de 1882 à 1912 (sauf en 1887-1888), il fut aussi député du Finistère entre 1885 et 1889. Il vécut avec son épouse et ses 8 enfants à Kerambleiz jusqu'en 1901, année où il vendit Kerambleiz au marquis René Alexandre de Plœuc pour s'installer au château de Kerdour.
Kerambleiz fut revendu après la Première Guerre mondiale à la famille Audren de Kerdrel.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le château de Kérambleiz abrita des activités clandestines du réseau Johnny.
En 1980 Kerambleiz fut racheté par la famille Alterio qui y organise depuis des réceptions et loue des gîtes meublés. .
Pendant quelques minutes, un phénomène étrange se produit à la surface de l'eau.
Un brouillard se forme sur quelques dizaines de mètres, puis disparaît soudainement.
Nous accostons à la cale de Rossulien pour pique-niquer.
Yvette, qui avait assisté à notre départ à Bénodet, nous rejoint.
Par ces temps anxiogènes, quel bonheur d'être ici !
Après cette pause agréable, nous ré-embarquons, et remontons la rivière, rive droite.
Un joli escalier permet d'accéder au domaine de Kerambleiz.
Au fond de la petite anse à proximité, une digue retient un important volume d'eau, en laissant s'échapper celle-ci par trois orifices, dans un bruit de cascade.
Nous passons devant la plus ancienne maison de l'Odet.
Elle fut rénovée en 2002, ses bardages lui donne une apparence plus moderne.
Nous arrivons à la pointe des Trois Tourtes.
L’Odet, rivière majestueuse a toujours été une source inépuisable de légendes dont les lieux ont conservé les noms.
Celle de «la Pointe des Trois Tourtes» a été baptisée ainsi à cause du refus de la femme du passeur de céder trois tourtes à Saint Cadou. Celui-ci, furieux, métamorphosa les tourtes en 3 gros rochers.
L'un d'entre nous se rappelle avoir pris ses photos de mariage dans ce lieu.
Après la pointe des Trois Tourtes, une digue au fond d'une anse marque la limite de l'étang de Kerbernez.
A proximité sur les hauteurs, se trouve une superbe demeure.
Nous faisons demi-tour et redescendons vers Bénodet.
Le courant nous porte et nous atteignons facilement 5 à 7 noeuds.
Peu après Pors Meilhou, nous rencontrons des jeunes gens sur des Stand Up Paddle.
Nous poursuivons notre descente, et, près de la cale de Pors Keraign, nous croisons les adhérents du club de pirogue de Sainte-Marine.
Ils nous accompagnent jusqu'à Bénodet.
Annick, Paul, Lionel et Joël débarquent à notre point de départ.
Avec Jean, Jean-Yves et Pierre, nous poursuivons vers la mer.
Nous passons, rive gauche, devant un curieux bâtiment blanc.
Voici son histoire racontée par l'office de Tourisme :
"Lorsque le docteur Boyer décide de construire sa villa à Bénodet en 1926, le pacha de Marrakech, El Glaoui, soigné par ce dernier, décide de lui offrir une dizaine d’ouvriers dans le but de faire la décoration intérieure.
La villa qui porte le nom de Ker Magdalen, prénom de son épouse, est une architecture unique. En effet, à l’époque, il y avait sous la tour, une chambre appelée la « Chambre du Pacha » qui était soigneusement décorée de mosaïques. Sans oublier le hammam qui se trouvait au sous-sol.
Les extérieurs sont également très élégants, dessinés par un architecte de réputation internationale, Monsieur Laprade.
Les galets noirs et blancs de Treguennec, ainsi que les galets roses de Ploumanac’h bordent la piscine et forment la fontaine.
Après quelques années, le professeur Boyer rehaussa la tour afin d’obtenir une vue imprenable sur la côte et jusqu’à la pointe de Trévignon.
La villa du professeur Boyer, mort en 1951 et sans enfants, fut par la suite achetée par M et Mme Lozach. Ce couple en fait un hôtel-restaurant.
L’hôtel s’appelait « Le Minaret », quant au restaurant, il est toujours présent, c’est l’actuel l’Alhambra. C’est depuis ces année-là que l’on appelle ce bâtiment unique en son genre, « Le Minaret ».
Aujourd’hui, le Minaret est une propriété privée"
Nous laissons le feu du Coq à bâbord et continuons jusqu'à la plage du Trez.
Nous avons parcouru 16,15 milles nautiques.
Le parcours en 3D est visible sur la vidéo ci-dessous.
Nous revenons dans l'Odet et débarquons à la cale de la rue Haute Fontaine.
Nous y retrouvons nos amis, et, après avoir rangé notre matériel, nous partageons le thé et le délicieux gâteau que nous offre Joël.
Malgré le temps froid, nous avons vécu une superbe journée sur l'eau.
La nature en hiver nous propose aussi de bien beaux tableaux, et nous savons les apprécier.
En étant bien équipé, la pratique du kayak par ces températures reste un vrai plaisir.
Et puis, il y a aussi la convivialité et la bonne humeur du groupe.
Bref, on en redemande !
Vive le kayak !