Randonnées malouines : rencontres historiques et bivouac inédit (2/4)
Randonnées malouines : rencontres historiques et bivouac inédit (2/4)
Jeudi 13 août 2020
Les photos non signées Pascal J - Yanike Kayak sont de Jean Drouglazet.
2ème journée de notre séjour malouin.
Le risque orageux s'éloigne, notre parcours du jour nous mènera vers l'Est vers le Havre de Rotheneuf, puis vers l'île de Cézembre.
Avec Roland, Jean, Christian et Jean-Pierre, nous embarquons vers 11h20 de la plage de la Hoguette, nous rejoindrons Jean-Philippe sur le parcours.
Nous longeons la plage du Sillon.
Le temps est brumeux, la mer est calme.
Nous passons devant le rocher du Grand Davier.
Nous sommes devant la côte rocheuse de la pointe de la Varde.
Nous apercevons un fort sur la côte. Il fut construit en 1694 en complément des défenses du port par Vauban. C’était une construction sommaire composée d’un mur d’enceinte défendu d’un fossé.
Ce fort fut remanié au XVIIIe et XIXe siècles, la pointe extrême fut dotée de puissantes batteries modernes.
En 1942, l’armée allemande réaménagea les fortifications en y adjoignant des blockhaus pour contrôler les plages de Rothéneuf.
Nous passons entre la pointe de la Varde et la balise La Crolante.
Après les plages de la Varde, du Nicet et du Val, nous arrivons devant des rochers sculptés.
Ils sont l’œuvre de l’abbé Adolphe Julien Fouré (1839-1910), qui passa une partie de sa vie à sculpter dans le granit, à même la falaise, 300 personnages représentant la saga de la famille des Rothéneuf (famille de redoutables et redoutés corsaires).
Ces sculptures, réalisées à la suite d’un accident cérébral qui le rend sourd et muet et le contraint à abandonner son ministère, étaient à l’origine polychromes, les traits de certaines de ses figures étant soulignés au goudron
Cette œuvre unique, mais qui a subi l’assaut des marées, a beaucoup souffert. On peut encore en admirer les vestiges. Mais pour combien de temps…
Sur la falaise, nous apercevons la chapelle de Notre-Dame des Flots
Avant, c’était la guérite des douaniers. Ils y surveillaient les activités en mer.
En 1889, elle a été transformée en chapelle. Les habitants y formulaient des ex-voto pour que les marins rentrent sains et saufs.
La chapelle est désormais recouverte de plaques mémorielles en tout genre.
Nous rentrons dans le Havre de Rothéneuf.
La légende raconte que ce havre abritait les bateaux d’une famille de corsaires : les Rothéneufs.
Le Havre de Rothéneuf est fermé au nord par l’Ile Besnard et le tombolo de la Guimorais et à l’ouest par la côte de Rothéneuf (Saint-Malo).
Communiquant avec la mer par un étroit goulet sableux, le Havre assèche entièrement à marée basse, découvrant une importante vasière en fond de baie.
Nous y admirons de magnifiques demeures en bord de côte.
En venant de la mer, sur le côté droit, ce sont surtout de petites criques de sable séparées par des rochers. Sur le côté gauche (à la limite de la commune de St Coulomb), on trouve une vaste étendue de sable.
Nous échangeons nos expériences nautiques avec le propriétaire d'un requin, magnifique bateau, qui est au mouillage.
Jean est intrigué par le nom du voilier : TAOL. Bretonnant émérite, il explique que taol veut dire "coup".
Le propriétaire nous éclaire : "ce sont les initiales des prénoms de mes enfants : Typhaine, Arnaud, Ondine et Louis-Gonzague" !
Des célébrités, tel l'acteur Jean Reno ou l'homme d’affaires et dirigeant d’entreprise Martin Bouygues, ont investi ici.
Nous quittons le Havre de Rothéneuf en contournant l'île Besnard.
Cette île est devenue au cours des millénaires une presqu'île par la formation d'un cordon dunaire qui la relie à la plage.
Elle constitue le prolongement naturel d'un isthme rocheux dont la première île est accessible à marée basse, le Petit Chevreuil.
Au delà de celle-ci, l'île du Grand Chevreuil, réserve ornithologique, est protégée par une mer où les courants se faufilent parfois violemment.
Nous passons entre l'île Besnard et le Petit Chevreuil, et nous débarquons sur la plage.
Nous y retrouvons Jean-Philippe et Patrice.
Nous pique-niquons, puis, avec Roland, Jean-Pierre, Christian, Jean et Jean-Philippe, nous repartons en direction du fort de la Conchée.
Nous mettons le cap sur le plateau rocheux de la Bigne.
Après une courte pause, nous prenons la direction de la Conchée.
Nous passons la balise des Petits Pointus ...
Nous distinguons au loin, dans la brume, l'île de Cézembre et la Conchée.
Deux beaux voiliers sortent de Saint-Malo sous voiles.
Nous laissons la balise de la Plate à bâbord.
Nous arrivons devant le fort de la Conchée.
Ce fort a été construit pour fermer l'entrée des passes nord aux navires anglais et hollandais. C'était un élément essentiel du système de défense côtière de Saint-Malo. Il s'inscrivait dans le vaste projet de défense des côtes françaises voulu par Louis XIV et dirigé par Vauban à partir de 1689.
Très endommagé par les bombardements en 1944 pour la libération de Saint-Malo et à l'abandon, il bénéficie d'une restauration effectuée par l'association La Compagnie du Fort de la Conchée depuis 1988.
Des passionnés restaurent la forteresse dont Alain Rondeau était tombé amoureux. Ce journaliste spécialisé dans la navigation de plaisance avait visité le fort en ruines dans les années 80 et en avait entrepris la rénovation avec une bande d’amis.
Le Trophée, en pierre de Caen, représentant une allégorie des armées du roi Louis XIV avec ses drapeaux, ses canons et des casques et poitrines d’armure à la romaine taillé, par le sculpteur Ianek Kocher, a été positionné au dessus de la porte d'entrée.
Nous faisons le tour du fort.
Sa forme épouse le rocher sur lequel il est construit, tel un vaisseau.
Christian et Jean montent sur le fort.
Nous avons de la chance, la météo et la mer nous permettent aujourd'hui d'accoster en kayak.
Une plaque à l'entrée du fort commémore le souvenir d'Alain Rondeau.
Les voiliers que nous avons aperçu tout à l'heure s'approchent du fort, sous voiles.
Nous retrouvons le Renard, cotre à huniers de 26 mètres et réplique du navire du corsaire malouin Robert Surcouf, que nous avons admiré hier du haut de la Cité d'Alet (voir article précédent).
Quel chance d'admirer ce bateau de si près, en mer et sous voiles, dans un cadre si exceptionnel !
Un deuxième voilier arrive : c'est l'Etoile Molène, un dundee thonier mixte de 35 mètres, construit en 1954 pour la pêche au thon dans le golfe de Gascogne et le chalutage en mer d'Irlande.
L'Etoile Molène et le Renard appartiennent à l'armement Étoile Marine Croisières de Bob Escoffier.
Nous laissons ces beaux voiliers et le fort pour visiter les rochers de Haies de la Conchée.
Ce n'est pas tous les jours que nous pouvons approcher ces roches.
Nous sommes à la pointe nord-est de l'île de Cézembre.
Certains envisagent de pousser jusqu'au phare du Grand Jardin, mais d'autres commencent à sentir la fatigue venir.
Nous décidons de nous arrêter sur la plage au sud de l'île.
Nous y accostons après avoir franchi une zone de mer un peu agitée, liée au phénomène vent contre courant.
Certains prennent un bain, nous sommes les seuls sur cette partie de plage.
Entre les rochers, nous apercevons le phare du Grand Jardin.
Les derniers touristes présents sur l'île embarquent sur les navettes et les bateaux-taxis.
La seconde guerre mondiale a bouleversé l'île.
L'armée allemande a couvert sa surface de casemates, de blockhaus, de tranchées, puis les bombardements alliés d'août 1944 vont changer durablement le paysage de l'île, avec le largage de milliers d'obus et de bombes.
En quelques jours, ce sont plus de 20.000 bombes et des assauts au napalm qui ravagent cette avancée malouine.
Aujourd'hui le relief tourmenté de l'île est une succession de cratères juxtaposés créés par les bombardements.
Seuls la plage et le sentier de découverte, aménagé sur 800m et dépollués par la Marine Nationale, sont accessibles.
Le reste de l'île est strictement interdit en raison du danger que représente la présence d'engins explosifs dans le sol.
Nous partons explorer le sentier.
Nous profitons de certains panoramas pour admirer la côte rocheuse de l'île.
Le vent, le sel et la mer ont dessiné à certains endroits des formes surprenantes, telle cette tête géante sculptée dans la roche.
Dans ce paysage au au relief tourmenté, nous observons ces cratères pendant la promenade, ainsi que des vestiges de la guerre tels que des canons “rouillés” et des blockhaus.
Le tube de ce canon a été déformé par la chaleur dégagée lors des bombardements au napalm et au phosphore.
L'acier des blockhaus est toujours là, révélant la solidité de la construction ... et la violence des combats !
Nous profitons de beaux points de vue sur le phare du Grand Jardin.
Des panneaux retracent l'histoire locale...
Nous revenons vers la plage.
Au niveau de la plage se dresse un rocher où se trouvait début du XXe une chapelle (Notre-Dame de l'île).
Une croix commémore le lieu.
Face à la plage, un hôtel-restaurant est ouvert pendant la belle saison, c'est le "Repaire des corsaires", tenu par Franck Meslier, ancien champion de France de natation.
Une flotte de catamarans débarque sur la plage. Ce sont les stagiaires de la SNBSM, Société Nautique de la Baie de Saint-Malo.
Ils viennent prendre l'apéritif sur l'île, dans le cadre des "Nocturnes du jeudi soir"
Nous prenons notre repas ...
... en admirant au loin les lumières de Saint-Malo, sur la seule plage de la région orientée au sud.
Aujourd'hui nous avons parcouru 9,7 milles nautiques.
Nous montons nos tentes afin de prendre un peu de repos.
Nous terminons donc cette superbe journée en nous laissant doucement emporter dans les bras de Morphée, au son des vagues qui viennent mourir sur la plage.
Nous sommes conscients d'avoir vécu des moments uniques : le calme de Rothéneuf, le fort de la Conchée si près, en compagnie d'illustres vieux gréements, et ce bivouac ici ...
Et tout ceci grâce au kayak !
A suivre ...