Construction d'un kayak bois & toile (skin on frame)
Construction d'un kayak bois & toile...
Mon ami Jean Drouglazet avait un rêve : construire de ses mains un kayak groenlandais.
Ce rêve, il l'a réalisé en mai 2016, avec l'aide d'Alain Kerbiriou, maître de la construction du kayak groenlandais.
Jean nous raconte dans ce récit comment est né son "Glazik".
Construction d'un kayak bois toile
(récit d'une petite aventure de 8 jours au chantier d'Alain KERBIRIOU au HEZO au bord du golfe du Morbihan)
Depuis 2 ans me trottait dans la tête l'idée de construire un kayak groenlandais , mais bricoleur du dimanche pas très bien outillé je ne me voyais pas entreprendre le projet seul.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Alain KERBIRIOU à plusieurs reprises (à l'Aber Wrach lors d'un stage avec Cheri Perry et Turner Wilson et à Larmor Baden lors d'une rencontre avec Kampe Absalonsen ) alors qu'il faisait la promotion de son kayak bois «Torda».
Il organisait aussi des sessions de construction dirigée d'un kayak bois toile groenlandais: nous avons alors convenu d'une date après que je sois venu avec notre ami François essayer le prototype alors baptisé «petit bleu».
Le stage sera réalisé dans le cadre de l'association BARKLAB le chantier Kerlo n'existant plus,
Il durera pour moi 8 jours ( du 25 au 27 avril 16 puis du 17 au 21 mai 16). Le stage peut durer plus longtemps en fonction des disponibilités du stagiaire de ses capacités et de son investissement dans toutes les phases de la construction.
Alain fut un maitre de stage patient et attentionné toujours prêt à partager son savoir aussi bien technique que documentaire sur l'histoire du kayak inuit et très impliqué dans la réalisation,
Le cadre est très agréable: atelier clair spacieux remarquablement rangé et fonctionnel avec de plus une ambiance musicale au goût du stagiaire .
Dans le cadre de la construction certaines manipulations ne peuvent être faite que par le maitre de stage en particulier utilisation de la scie à bande ,,,
Le bois utilisé est du Yellow cedar
La toile , un nylon balistique venant des USA est remarquable quant à sa solidité et son comportement à moyen terme, sur le long terme nous verrons ,,,
dans ce compte rendu je vais utiliser mes photos personnelles mais aussi avec son accord les photos de François qui a participé au stage précédent avec Michel.
Lundi 25 avril :
A mon arrivée sur 2 tréteaux reposent deux longues travées de bois qui sont les bauquières qui constituent les bords du pont du kayak et qui ont été préparées par Alain, (j'ai du mal à réaliser que ceci va se transformer en l'esquif rêvé.).
François et Michel sont en phase finale de leurs propres constructions et j'admire le résultat encore incomplet mais déjà remarquable.
Alain note quelques indications au sujet de mes mensurations en position assise et des longueur et largeur envisagées pour la mienne
Première opération confection des mortaises à intervalle régulier sur les bauquières à l'aide d'une mortaiseuse dont Alain me montre le fonctionnement après l'avoir réglée
Les 2 bauquières sont ensuite alignées entre 2 gabarits ( préalablement taillés ) et nouées à l'avant et l'arrière par un morceau de chambre à air élastique donnant la forme du pont du kayak
L'utilisation de l'équerre ne m'est pas spontanément évidente et les 3 dimensions pas si claires mais il n'y a pas d'alternative ça doit rentrer ! Quelques coups de rabot pour se mettre en «jambes»
L'emplacement des barrots est mesuré de façon symétrique avec l'angulation adéquate et les mortaises ad hoc creusées puis les tenons des barrots taillés à la forme et à la profondeur adéquate.
La première journée de travail touche à sa fin et je n'ai pas vu le temps passer.
J'ai hâte à demain …
Mardi 26 avril :
Les tenons des barrots sont dimensionnés et taillés puis encastrés dans les bauquières.
Le massik et le seeqqortarfik qui avaient été auparavant étuvés, taillés et rapés à la forme des cuisses pour ce dernier sont également mis en place ,,,
Puis les serres de pont sont placés,,,
Le premier barrot derrière l'hiloire est légèrement concave pour mieux accueillir le dos du kayakiste lorsqu'il rollera sur l'arrière ,,,
Entre les 2 barrots qui vont se situer derrière l'hiloire sont insérés 2 éléments longitudinaux qui vont rigidifier cette partie du pont ou le kayakiste peut s'asseoir avant de s'introduire dans l'habitacle.
Mercredi 27 avril :
Percements d'orifices permettant de passer le fil à ligature de part et d'autre de chaque emboitement tenon mortaise puis ligatures solides après avoir réalisé une petite encoche dans le bois des bauquières pour que la ligature ne se voit pas sous la toile tendue ,
Le pont est pratiquement terminé et en fin de journée Alain pose les gabarits de l'étrave et de la poupe pour dessiner la forme définitive du kayak …
Des impératifs personnels me contraignent à suspendre le stage et je conviens avec Alain de revenir dans quelques jours …
Mardi 17 mai :
Lorsque je reviens 2 semaines plus tard ,Alain a prépositionné l'étrave...
...et la poupe et étuvé les couples : ceci est une opération très délicate
ces pièces de bois sont étuvées une à une durant environ ¼ d'heure et on ne dispose que de quelques secondes pour les contraindre sur un gabarit et pour les mettre en place dans les mortaises des bauquières et leur donner leur forme définitive.
(les Inuits n'étuvaient pas les couples mais leur donnaient forme en les mâchant après les avoir humidifiés et passés au feu …) il faut à chaque fois vérifier le bon alignement par l'avant et l'arrière .
La quille est ensuite cintrée sur l'ensemble, percée puis ligaturée sur les couples
La pièce d'étrave est raccordée aux bauquières par des tourillons encollés et des ligatures.
Une encoche est pratiquée dans la pièce d'étrave ou vient se placer la quille qui y est aussi fixée par des tourillons,
Une planchette est taillée sur la partie supérieure pour solidariser solidement bauquières et étrave à l'aide de tourillons chevillés en opposition puis le tout est soigneusement raboté et égalisé.
Après avoir percé les trous de part et d'autre des emboitements ligature des couples sur les bauquières
Une latte longitudinale est appliquée sur les couples de chaque côté constituant les serres de bouchain qui ne sont pas fixées aux extrémités comme des côtes flottantes.
Mercredi 18 mai :
Mise en place par ligature des lattes du siège à l'extérieur des couples
puis je m'assieds dans l'ossature en bois pour savoir où placer le barrot cale pieds.
Une pièce de bois est taillée rabotée et ajustée à l'avant et l'arrière pour solidariser les pièces d'étrave et de poupe au reste du squelette du kayak par des chevilles
Je ponce quelques angulations qui me paraissent être potentiellement gênantes pour le confort d'assise ,
avant midi j'enduis toute la structure bois d'un mélange de G4 ( vernis polyuréthane d'imprégnation pour protéger le bois de l'eau) sous le préau aéré derrière l'atelier.
L'après-midi Alain appelle un de ses copains pour nous aider à entoiler le squelette du kayak: ça consiste à agrafer la toile bien tendue sur la quille et les bauquières.
Les agrafes seront enlevées après l'assemblage des 2 bords de la toile par couture à l'aiguille courbe au niveau du pont du kayak
entoilage du kayak de Michel
La couture est un moment délicat et fastidieux : Alain entame le travail à l'avant et l'arrière et me donne des indications sur la façon de procéder au mieux et de reprendre le fil lorsqu'on arrive à la fin d'un brin ...
Jeudi 19 mai :
Pendant que je continue mes travaux de couture...
Pendant que je continue mes travaux de couture, Alain s'attelle à la fabrication de l'hiloire à partir d'un élément de planche taillé à la dimension voulue puis étuvée et rapidement lovée sur le gabarit ad hoc où il est pressé à l'aide de serre-joints
L'après-midi l'hiloire est prêt : il est percé à intervalles réguliers sur 2 rangs
Puis nouvelle opération délicate : c'est la fixation de l'hiloire à la toile en faisant en sorte qu'il n'y ait pas de plis …
Alain me confie ensuite la fixation du cordage qui entoure l'hiloire … et je m'en tire plutôt bien, ne perdant qu'un peu de peau au niveau de l'intérieur des doigts de la main droite !
Le kayak est prêt pour la peinture, opération prévue pour demain
Vendredi 20 mai :
Le kayak est mis sur tréteaux dans l'espace peinture qui est bien ventilé. J'ai choisi la couleur bleue,
Alain prépare le mélange ( pigment + G4 + acétone qui rend le mélange plus liquide ) et me donne des conseils pour l'application dont la première couche est la plus importante (j'aurais pu mieux faire!) les 2 autres couches doivent être appliquées alors que la précédente n'est pas encore totalement sèche pour qu'il y ait une meilleure accroche
La peinture sèche,
puis application du G4 sur l'hiloire alors que le kayak est retourné …
Samedi 21 mai :
Le samedi matin Alain assure les dernières finitions, appliquant la bande de protection de quille, faisant les boules protectrices à l'avant et l'arrière passant les bouts pour les fixes pagaies et l'anneau de remorquage …
Le kayak pèse 14kg (quelle économie d'énergie pour mes efforts de portage futurs!) 5,35 m de longueur et 51 cm de largeur,
Vers 11h le chantier est terminé et je suis aux anges, Il a vraiment fière allure !
Alain qui a décidé de ré-entoiler le petit bleu qui est son prototype, m'emmène au bord du golfe pour le tester et tourner quelques vidéos parlantes quant à la solidité de l'ensemble bois toile et de la toile elle-même
Il va distiller sur FB ces images au cours de la semaine suivante qui ne vont pas nous valoir que des amis mais qui prouvent que ce kayak groenlandais est vraiment une construction fiable …
Il me reste à le tester sur l'eau et à l'apprivoiser ce que j'envisage de faire dès le 23 mai.
En conclusion : expérience très enrichissante tant du point de vue technique qu'humain pour aboutir à un beau jouet qui va me permettre de perfectionner les différents rolls et d'en découvrir d'autres .
Merci à Alain
et clin d'oeil à François et Michel
Je voulais donner à mon kayak le nom de petit bleu en inuit mais après la réponse de Kampe (tungujortuaraq !) j'ai préféré faire plus simple et ce sera «petit bleu » en breton ie «glazik»
et je mets le point final à l'histoire en gravant mon logo sur l'intérieur de la bauquière droite!
Annexes :
Pour l'hébergement :j'ai choisi Casanella gite (conseillé aussi par François)...
...situé à quelques centaines de mètres de l'atelier, petit déjeuner compris ,la propriétaire est charmante et la chambre très agréable décorée avec goût …
Pour la restauration: à midi nous avons déjeuné le plus souvent à «la Chaloupe» à Theix mais aussi au Hezo, à Séné ou Vannes ...
le soir je me débrouillais
Le stage commençait le matin entre 8h et 8h1/2 et se terminait vers 19h,
Ne connaissant pas la région j'en ai profité pour découvrir Le HEZO le matin entre 6h et 8 h ou le soir.
J'ai mangé quelques huitres au Passage, j'ai aussi visité le marais salant de St Armel et fait une marche au bord du golfe à partir du petit port de LOGEO
Au total très belle expérience à renouveler éventuellement pour un résultat encore meilleur.
Vive le kayak et le roll !